derniers feux, premières vagues, par Arnaud Maïsetti
D’une année l’autre donc, paraît-il — et dans la suture de l’arbitraire commencement, qui n’est qu’une consolation vaine de plus, le même vent. C’est l’autre signe qu’on vit dans l’âge avancé des temps : les chiffres sont de plus en plus importants, et les vents possèdent des noms. Carmen, puis désormais Eleanor. Ces noms de jeunes filles pour préserver des violences ? Noms de jeunes filles qui ravagent davantage — avec cela, on oublie que l’année était supposée recommencer le monde. Ou alors, c’est pour mieux éparpiller les choses et les passés ?
Premières images prises au temps qui passe et qu’il fait : sur les plages du sud, les vagues viennent par dizaines se fracasser à pleine vitesse sur la ville. Il faut regarder longtemps. Le monde continuerait. En Corée du Nord et aux États-Unis, on joue à celui qui appuierait le premier sur le bouton — et on jauge la taille.. Songer : ces hommes ne sont pas l’excès, mais la parfaite incarnation de l’époque et de sa politique. D’ailleurs, personne pour réellement prendre peur : jeu, théâtre interprété par les acteurs les plus ridicules, théâtre oui, dans sa plus grotesque vulgarité, sans rituel ni cruauté, pure farce qu’on regarderait en pensant déjà au lendemain matin.
Bien sûr, il faudrait des commencements. Mais pas de ceux qui mettent fin au passé : ou plutôt, il faudrait des commencements qui prendraient chaque fois acte du passé, qui serait de la continuité sans cesse rompue, sans cesse commençante. Est-ce que ce n’est pas cela, la création du monde (infiniment créé) ? Mais sur le cadavre de Dieu (que la terre lui soit légère), comment penser et vivre surtout des commencements qui n’auraient pas l’arrogance de l’oubli, qui n’aurait pas non plus le poids du souvenir ? Dans ce temps où reprendre des forces, la lumière du soir qui s’allonge est encore, est toujours, est sans cesse une leçon.
Jour des commencements : non des résolutions. On les laisse aux assemblées générales d’organisations étatiques impuissantes. Jour des commencements : des naissances qui ont pour elles aussi les cris et les violences, les terreurs aussi, les soifs, les joies insensées d’être de nouveau ici, encore, comme à jamais. D’être le soir qui tombe avec la couleur de l’aube ; et d’être l’aube demain, dès le soir ; d’être le soir et l’aube confondus dans le mot crépuscule ; d’être du crépuscule ce moment qui bascule dans le soir ou le matin.
arnaud maïsetti - 3 janvier 2018
Arnaud Maïsetti vit et écrit entre Paris et Marseille, où il enseigne le théâtre à l'université d'Aix-Marseille. Vous pouvez le retrouver sur son site Arnaud Maïsetti | Carnets, Facebook et Twitter @amaisetti.