Un viol, c'est un viol, par Serge Quadruppani

La guerre de basse intensité que le corps policier mène contre les corps des habitants des quartiers populaires vient de franchir un nouveau seuil. Dans l’affaire du viol raciste de Théo à Aulnay-sous-Bois, on est fondé à se demander si la décision de l’IGPN de le classer dans la catégorie « accident », si cette invention d’une nouvelle catégorie, le « viol accidentel » est une provocation délibérée au service de retorses pensées électorales lepénistes ou si elle n’est que l’expression de la nature profonde d’une institution de contrôle qui n’existe que pour contrôler les réactions face aux crimes policiers.

L’IGPN et son homologue gendarmesque nous ont habitués depuis longtemps à trouver toutes les excuses aux flics tueurs, éborgneurs, mutileurs et tortionnaires. En tous les cas, il faut prendre cette décision, tout comme les condamnations de manifestants qui commencent à tomber, pour ce qu’elle est : une insulte. Une insulte pour les populations en butte au racisme, une insulte pour celles et ceux qui depuis longtemps luttent pour faire reculer la culture du viol, une insulte pour toutes celles et ceux qui ne supportent plus l’arrogante autonomie acquise par les forces de l’ordre.

A tous les pouvoirs qu’elle s’est arrogée depuis la proclamation de l’Etat d’urgence grâce à l’infinie complaisance des politiques, voici que la police disposerait maintenant de celui de décider du sens des mots.

Contre cette dérive totalitaire, nous devons le réaffirmer :

Un viol, c’est un viol

Un acte raciste c’est un acte raciste

Un viol raciste c’est un viol raciste

En manifestant contre les flics violeurs, notamment samedi 11 février devant le tribunal de Bobigny, c’est aussi contre la possibilité pour la police d’abuser indissociablement des corps et des mots que nous nous mobiliserons. L’expérience des politiques autoritaires nous l’a appris depuis un siècle au moins : les mots aussi, tuent.

Serge Quadruppani


Essayiste, traducteur et éditeur littéraire libertaire français, auteur de romans policiers et traducteur de la série des Commissaire Montalbano d'Andrea Camilleri, Serge Quadruppani tient un blog où il s'exprime sur l'actualité "en attendant que la fureur prolétarienne balaie le vieux monde" : Les contrées magnifiques