La Ville écrite | détruisons, par Arnaud Maïsetti
Ainsi pour l’amour des chemins, la destruction est œuvre de salut public : celui de ce monde-ci. Graffer une statue ancienne, tagguer les murs blancs, écrire sur les peaux mortes du monde qui s’effondre sur lui : œuvre, appelée elle-même à sa destruction, par sa destruction. La ville est un site internet : chaque jour remplace le suivant, et le détruit, le recouvre, le réalise. La ville ? Plutôt, le désir de ville qu’on porte en nous comme un sacrilège.
« S’il est légitime de rêver d’un autre monde, il ne l’est pas de dégrader celui-ci », juge la Maire de Paris. Au contraire : c’est aussi au prix de cette dépense-là. Les chemins s’ouvrent ainsi, en opérant vivant le présent.
« Le vieux monde parti en cendre / Partira, je l’ai vu de loin / On enlèvera, nos pierres /
De leur édifice et les pavés du chemin / », dit la colère et le désir : comme on souffle à la fois dans ses mains et sur les braises de l’histoire, un soir très froid d’hiver – et que cette pensée réchauffe un midi brûlant de septembre et d’ennui, 4 septembre fondateur d’oubli. Jour où voir la rentrée rentrer, et les discours discourir qui justifient l’état injustifiable de ce monde. Alors plutôt écrire sur les murs : et même sur les bases des murs, à hauteur de regards, aux fondations des immeubles et des villes, ; oui, plutôt travailler à leur joyeuse dispersion ; plutôt chercher les chemins que de prendre pitié pour ces murs d’enceinte qui seront bientôt des ruines.
Arnaud Maïsetti, le 4 septembre 2016
Arnaud Maïsetti vit et écrit entre Paris et Marseille, où il enseigne le théâtre à l'université d'Aix-Marseille. Vous pouvez le retrouver sur son site Arnaud Maïsetti | Carnets, Facebook et Twitter @amaisetti.