Zhang Wei et les débuts de l'abstraction chinoise
En pleine Révolution Culturelle, en 1971, un jeune peintre essaye de faire œuvre dans un pays qui se met à refuser la culture ( un peu comme ici, en ce moment… ). Passant d’abord par la copie réaliste des maîtres anciens, il va bientôt dériver vers l’abstraction et devenir un maître à son tour. Résumé de parcours.
"Zhang Wei a commencé à peindre en 1971, en plein milieu de la révolution culturelle. Comme tous les artistes chinois de sa génération, il a d'abord suivi la tradition réaliste. [...] Comme les salles de classe d'art n'étaient guère les meilleurs espaces de refuge pendant une révolution dont le but était de changer la nature même de la culture, Zhang s'est rendu dans les parcs de Pékin pour peindre leurs décors et chercher des gens comme lui, ceux qui essayaient simplement de revendiquer un minuscule morceau d'espace personnel pour s'exprimer. À cette époque, Zhang Wei a rencontré Zhao Wenliang et Yang Yushu, deux futurs membres du No Name Group [groupe Wuming], qu'ils allaient former ensemble. (...) ils ont montré à Zhang qu'il y avait plus à faire que de représenter fidèlement la réalité. Leurs peintures ont révélé que la réalité avait un potentiel poétique, qui pouvait être exploré en termes d'intensité expressive. [...] ce fut un moment de révélation.
[...] L'art produit par les membres du groupe [Wuming Group] peut nous sembler aujourd'hui politiquement apprivoisé, mais ils ont peint des paysages à une époque où la peinture de paysages était considérée comme un acte de sédition bourgeoise. En fait, ils peignaient toutes les choses simples qu'il était interdit de peindre, liant leur âme avec les artistes qu'ils avaient étudiés à partir des quelques livres d'art mal imprimés qu'ils partageaient furtivement entre eux. Pendant cette période, Zhang Wei a réalisé des œuvres comme Spring Afternoon et Antique Gold Eaves, ( image d’ouverture) en utilisant des techniques influencées par Ma et Yang pour représenter les scènes qu'ils ont visitées ensemble".
C. S. Chinnery, "Une dissonance colorée : On the paintings of Zhang Wei", in Zhang Wei, exh. cat., Berlin : Galerie Max Hetzler et Holzwarth Publications, 2017, pp. 29-30
Zhang Wei possède un langage visuel dramatique et une personnalité étonnamment singulière, l'impact optique de ses toiles s'enregistre instantanément. Grâce à une peinture appliquée avec audace et des couleurs vives, le mouvement du pinceau de l'artiste est visible sur la toile, il apporte au spectateur une conscience corporelle - les conditions et les processus par lesquels la peinture appliquée de Zhang Wei devient essentielle à notre appréciation de ses œuvres. [...] Il décrit son style comme wu xing - un mode de créativité spontanée et éclairée. L’action painting fait partie du même vocabulaire descriptif. Mais comment Zhang Wei sait-il qu'un tableau est terminé ? Il me dit que sa peur est de "peindre une toile jusqu'à la mort". Il s'efforce plutôt d'avoir un sens plus souple de l'"incomplétude" et, en ce sens, l'espace négatif sous la forme de la surface du tableau fait partie intégrante de ses compositions".
L. Ambrozy, "Zhang Wei et l'abstraction", dans Zhang Wei : The Abstract Paintings 1977- now, exh. cat., Beijing : Galerie Boers-Li, 2013, pp. 23-24
"Les couleurs intenses sont interrompues par de grandes sections de toile blanche. Des teintes incompatibles s'assemblent dans des affrontements brutaux qui se terminent par une sorte de dissonance calme, comme une reddition alchimique entre des ennemis mortels. Parfois, une toile immense n'est occupée que par deux ou trois coups de grand pinceau, aidée par quelques gouttes de peinture accidentelles qui dégagent une attitude inhabituelle. Il y a une énergie violente dans beaucoup de peintures récentes de Zhang Wei, mais ce n'est pas l'élément central de sa toile. C'est plutôt la médiation de l'énergie qui est essentielle. Malgré le contraste flagrant des couleurs et des textures, ce qui définit vraiment le travail de Zhang Wei, c'est un sens de l'équilibre".
C. S. Chinnery, "Une dissonance colorée : On the paintings of Zhang Wei", dans Zhang Wei, exh. cat., Berlin : Galerie Max Hetzler et Holzwarth Publications, 2017, p. 29
L'œuvre de Zhang Wei est souvent décrite comme un pur travail de la brosse sur la toile pour y créer des tensions. Fortement influencé par son travail à l'Opéra de Pékin, son vocabulaire abstrait est caractérisé par une explosion des couleurs vibrantes issues des mouvements des acteurs du théâtre classique chinois avec leurs costumes flamboyants; auxquels il a ajouté par la suite des éléments de philosophie taoïste et de calligraphie. Bienvenue dans une certaine dans e des signes, des formes et des images.
Plus sur son œuvre, ici
Jean-Pierre Simard le 2/11/2020