Attaquer l'essentiel avec la "modération" de Daijiro Hama
Difficile de saisir la portée de l‘œuvre de Daijiro Hama sans faire un détour par le shinto, la religion japonaise dont les bases sont le respect des ancêtres et les sentiments de communion avec les forces de l'univers et les générations passées. On y est à la lutte avec divers démons (tsumi, tatari et kegare) dont il faut se purifier pour retrouver sa place dans le monde sans jamais les froisser.
Mais cela, c’était avant, valable jusqu’en 1946 et la destitution de l’empereur Hiro-Hito par McArthur comme figure sacré de la religion. Depuis, comme ici ,avec la séparation de l’église et de l’Etat, le séculaire n’a plus à pâtir des exactions et autres diktats du pouvoir religieux incarné en une seule personne. On ne dira pas que l’inconscient est libéré, mais qu’il se trouve seul son rapport à la métaphysique du monde actuel. Ceci posé, on comprend mieux les prises de position artistiques de l’artiste :
Je voudrais décrire le monde du vide en noir et blanc. Dans l'espace vide, commence la guidance vers le monde infini de l'inconscient. Voir le vide est "une manifestation dans les profondeurs de sa propre existence". Cela devient un phénomène pour nous. En d'autres termes, c'est une façon d'exprimer la "profondeur". C'est une vision du monde dans laquelle les pôles opposés du noir et du blanc sont unifiés et naissent. Elle s'exprime par le mot "modération". C'est le monde au-delà de ce qui est reflété comme bien et mal, la présence de la vie et de la mort, l'égalité du pôle nord et du pôle sud.
Son galeriste parisien, Gallery Tokyoite, définit ainsi son œuvre : Daijiro Hama, né en 1984 à Izumo au Japon utilise le matériel et la technique traditionnels japonais tout en intégrant ses propres expériences historiques et culturelles. Daijiro Hama vise à exprimer l'existence invisible créée par le contraste en noir et blanc. Avec ses compositions monochromes, il invite le spectateur à explorer les profondeurs de ce que l'on voit et de ce que l'on ne voit pas, ainsi que l'interprétation et les réflexions de son âme et de son esprit.
Pour cela, il repart des principes et techniques traditionnelles qui se traduisaient à ses débuts par de simples lignes à l’encre noir (sumi), puis par l’apparition de la profondeur dans l’image avec l’utilisation du “suiboku-ga” – une brosse asiatique ayant permis l’apparition de nouvelles formes stylistiques. Cela lui permet de travailler aussi bien le dessin et la peinture que d’être un street artist reconnu chez lui.
Plus sur son œuvre sur son site ici
Jean-Pierre Simard le 2/11/2020