La rengaine entonnée par De nos frères blessés est sur-entendue : la grande histoire par le petit bout de la lorgnette, les faits à hauteur de l'humain, l'affaire des personnes plutôt que celle des forces impersonnelles. Destituer les majuscules de l'histoire au nom des petites généricités de l'intimité reste une opération consensuelle, favorable à toutes les réductions, toutes les trahisons. Entonner la rengaine du petit bout de la lorgnette comme s'y prête Hélier Cisterne, c'est entamer les paroles d'une chanson connue, celle des amours plus transparentes que les engagements politiques. C'est aussi déclamer à la cantonade qu'il y a des justes qui le sont moins pour des idées que par vertu. C'est encore verser dans le gros tonneau du cinéma français la vie de Fernand Iveton, vie d'exception et d'exemplarité tristement passée au laminoir de rassembleuses banalités.
Read MoreTragique et fulgurant, confrontant l’humanité profonde de l’ouvrier algérien à la froide raison de l’Etat colonial qui le mène à l’échafaud, “De nos frères blessés”, premier roman de Joseph Andras, propose à travers ses pages une reconstitution saisissante des ultimes semaines de Fernand Iveton. L’auteur - un Français trentenaire, lauréat d'un Goncourt du premier roman qu'il vient de refuser - donne corps et voix dans son récit à ce militant communiste algérien d’origine européenne, arrêté en novembre 1956 après une tentative de sabotage dans son usine et atrocement torturé par la police avant d’être jugé par un tribunal militaire, puis guillotiné « pour l’exemple » le 11 février 1957.
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