Derrière son masque de Lone Ranger, Orville Peck secoue gayement la country de 2019

Orville Peck, comme Gregory, est un cowboy fantasque. Affublé d’un Stetson bordeaux et délivrant de son organe de baryton une alt-country chromée qui fait mouche, son album Pony est remarquable à plus d’un titre, On en parle. Happy Trails to you !

Orville Peck est le pseudonyme de Daniel Pitout, ex-batteur canadien de Toronto, membre du groupe rock/punk indépendant de Vancouver, Nü Sensae. Il a changé de registre et cela emmerde beaucoup de critiques américains qui trouvent son approche de la country pas assez véridique/ trop déviante pour figurer au tableau des nouveaux musiciens du genre - et qui comptent. Qu’ils aillent se faire… revoir la copie ailleurs. Point barre. Ces mêmes critiques apprécieraient-ils les Byrds aujourd’hui qui changeaient de registre quasi à chaque album entre 64 et 70 ? Le principal reproche qui sort des chapelles est de sonner comme de la new wave mid 80’s avec de simples rubans country sur le Stetson… Visiblement ces gens n’aiment ni Jim Jarmush ni David Lynch. Mais ça ne regarde que leurs œillères… 

Sur fond de guitare twang rodéo, Pony flirte aux confins de l'autobiographie gay. Big Sky commence à dévider le fil de ses anciens amants, comme ce boxeur abusif au punch romantique, en passant plus loin par le gardien de prison trop protecteur des Florida Keys. "Kansas (Remembers Me Now)" joue de la nostalgie (registre country par excellence) ; "Buffalo Run" est une lente chevauchée au cœur des Plaines du Nord. "Dead of Night" , le titre d’ouverture ouvre la porte à tous les fantasmes, pendant que la voix lustrée de Peck prend doucement la suite des comptines de Chris Isaak, à vous faire sentir que le désert du Nevada n’est pas encore prêt à l'amour jeune et homosexuel. Certains titres sonnent comme des ballades d'Elvis noyées dans un son rétro - c’est là que la country rejoint le rockabilly -, quand d’autres, avec leurs guitares Tarantino ("Hope To Die",) virent au shoegaze estampillé 80’s de Mazzy Star. Avec Pony, Orville Peck est monté sur un ring de boxe pour jouer dans son propre'68 Comeback Special. Il est l'anti-héros, imprégné de mythologie et d'un nécessaire anonymat ("parfois être un cow-boy vivant suffit."). Mais c'est l'approche de l'auteur dans la révolution queer country. Malgré la totale obscurité masquée, c'est la tendresse qui l'emporte dans ses backrooms.

Tient-on là un artefact comme ceux de la vague alt-country des 80’s, avec Lone Justice ou Wilco? Assiste-t-on à un retour en grâce du son new wave du côté du rock indé US façon Mazzy Star ou Galaxie 500 ? Ou bien, à la suite des idoles gay friendly Dolly Parton et K.D. Lang, l’Amérique de Trump va-t-elle enfin foutre la paix à ceux qui parlent d’ailleurs en s’inscrivant dans le paysage (musical actuel)? Et que les fans de Lynch se rassurent, en grands déviants que nous sommes, nous aurions fortement appréciés Orville Peck, aux côtés des Chromatics, offrir une prestation live au Bang Bang Bar, dans un des derniers épisodes de Tin Peaks. So What else ?

Jean-Pierre Simard le 19/12/19
Orville Peck - Pony - Sub-pop