Mo Yi photographie comme un chien, à hauteur des mollets…
Footballeur professionnel au Tibet, son malaise existentiel de Chinois l'amène vers la photographie. Et, de là, Mo Yi va petit à petit résoudre ses conflits internes et faire œuvre. Il est un des photographes les plus connus de son pays et a enfin obtenu la reconnaissance sur place presque 30 ans après ses débuts.
Photographe autodidacte, il a réalisé une première série d’œuvres en 1982 sur le paysage ainsi que des portraits, avant de se tourner vers des sujets plus délicats comme la foule, les émotions. En 1986, Mo Yi dédie sa première série importante aux pères, photographiant des vieillards. Cette série humaniste d’un style neutre et documentaire ne sera exposée qu’en 2013.
Il commence son travail dans un autre style plus personnel en 1987, avec « Tumultes », où il utilise des expositions longues pour représenter les mouvements de la foule. Pendant ce temps, il est employé en tant que chargé de communication au sein de l’hôpital de Tianjin.
« Un mètre, la vue derrière moi » est un de ses projets expérimentaux ayant connu le plus de succès. Dans cette série, il réalise des autoportraits en attachant son appareil photo sur son cou, à la manière d’un « selfie-stick », tout en marchant sur les ruelles de la ville.
En juin 1989, il évoque les mouvements étudiants pro-démocratiques en se mettant en scène. Dans sa performance « Partez !», (Chinois : « 去也 »), il manifeste dans la rue, vêtu d’une robe blanche où il a écrit : « Riant, je porte le deuil de la mort de l’ancien système féodal ; criant, je remercie la naissance de la démocratie. » À la suite de ces évènements, il est emprisonné.Avec Memories of 1989, Mo Yi - témoin direct des événements de la place Tiananmen - documente à sa façon un événement tabou en Chine. Toutes ces années, ses photographies sont restées cachées en lieu sûr. Avec son autre série d'autoportraits Prisoner (1997), Mo Yi se photographie sous toutes ses faces, de la manière dont on réalise les portraits de prisonniers. Des coupures de presse relatent Tiananmen. Ces images iconiques sont des exemples typiques d'autocensure.
Cependant, son approche n’est pas entièrement politique ; durant toute sa carrière, la ville et les conflits qui y résident sont ses sujets de choix.
Il explique ainsi ses séries urbaines : « Pour moi, il y a une contradiction dans les villes, d'un côté c'est civilisé, avec des voitures, des ordinateurs, de l'autre il y a la pollution, la saleté, je ne sais pas comment l'exprimer, donc j'ai recours au flou. »
« Mais mon but n'est pas la critique ou l'attaque. Cependant, en raison de la politique en Chine, des changements rapides dans la société et de mon caractère, cela peut être considéré comme tel ».
Pour des raisons politiques, c’est finalement au Japon que sa première exposition personnelle « City Space » a eu lieu, au Zeit-Photo Salon, Tokyo, en 1996. Dans les années 90, il commence son travail sur le projet « Je suis un chien », où il choisit un point de vue particulièrement bas pour prendre en photo le paysage urbain.
Ses travaux des années 1990 et 2000 s’inscrivent dans la continuité de ses œuvres précédentes, il reçoit le premier Prix lors du Festival international de la photographie de Pingyao en 2008 pour l’ensemble de son travail. Et depuis, d'expositions en rétrospective, il est intégré à de nombreuses collections privées et musées prestigieux.
Friedrich Angel