Suivre les entrelacs de la pensée de Johann Le Guillerm
Au fond de la cour de la Maison des Métallos, des signes étranges sont peints au sol avec des flèches dans des directions multiples… Juste avant, on avait remarqué quelques entrelacs mystérieux peints au blanc de Meudon sur les fenêtres à gauche en entrant. Voudrait-on nous transmettre quelque message obscur ?
Puis, on monte les marches. Nous apparait alors en suspension, une forme, élégante, blanche et éclairée. Une signe dans l’espace, une courbe imparfaite. Les formes étranges et leurs flèches sont une signalétique de la curiosité, une invitation à se positionner derrière chaque signe au sol, à lever la tête en direction de la flèche. Et la courbe sous notre regard correspond au graphe peint à nos pied. Rien n’est magique ici. Un même objet se métamorphose selon notre point de vue.
Toute la philosophie, « cette science de l’idiot » comme aime l’appeler Johann Le Guillerm pourrait se résumer avec cette « invistallation ». Elle promet des instants suspendus comme ces signes changeants, des joies intenses et des poésies nichées dans des petits riens qui sont quand même quelque chose.
Depuis le 6 novembre et jusqu’au 28, Johann Le Guillerm, pose son costume de circassien chimérique (mais le pose-t-il vraiment?), pour nous faire partager son univers mental, poétique, pataphysique, se présentant comme un « scientifils », comme Serge Daney pouvait se dire « cinéfils ». Car si le cinéma est l’art du temps, « les pas grands choses » de l’artiste sont l’art de l’instant, de la fraction de temps, du petit rien qui fait basculer les grands quelque chose.
"Je résume : Un n’existe pas ou que pour lui-même, il peut donc douter d’être le un. Deux n’a pas le temps d’exister qu’ils sont déjà trois puis quatre. Un ne serait donc pas seul, mais au minimum quatre." Johann Le Guillerm
Hier soir, avait lieu la première de sa conférence « Le Pas Grand Chose », un petit rien sur tous les chantiers qu’a ouvert cet homme de piste, qui ne cesse d’en suivre (des pistes), multiples, riches, absurdes, hallucinantes, succombantes, jamais vraiment idiotes, jamais vraiment naïves, toujours complètement éthérées, oniriques, un peu obsessionnelles et souvent très drôles et qui tout le long de ces démonstrations, orchestrée comme un « one man » sans le show, nous ravis autant qu’elle nous interroge.
Nous ne sommes jamais loin, (à quelques points, quelques pelures de clémentine ou de banane) d’un tour de force pour que nos esprits se tordent comme peuvent se tordre des barres d’acier sans douleur et sans effort aucun, juste en suivant le fil de sa réthorique entrelacée, qui retombe toujours sur ses pieds. Quoique, venant de lui, on peut s’attendre à des fils tendus au-dessus du vide.
Je n’écrirais rien du ressort de cette conférence, car elle est très clairement une sorte de « pas grand chose » qui révèle toutes les grandes choses du monde, nos petites et grandes obsessions, intuitions, folies et découvertes. Jamais donneur de leçon, et encore moins crieur de vérité, Johann Le Guillerm partage. Simplement, avec toute sa fragilité d’humain, son être au monde qui, au final, semble bien avoir d’étranges rapports avec le nôtre, puisque nous vivons dans le même. C’est uniquement une question de point de vue.
Richard Maniere le 12/11/19
Johann le Guillerm - Le pas grand chose ->28/11/19