Laia Abril démolit la culture du viol : histoire de la misogynie, chapitre 2
Le premier volet de son triptyque sur l’histoire de la misogynie, (“On Abortion/ De l’Avortement”), présenté à Arles en 2016, avait fait le tour du monde ; le second, “On Rape/Du Viol” frappe aussi fort aux Filles du calvaire. A coup de livres, d’installations, de documents Web et de films, son travail a été mondialement exposé et publié. C’est la poursuite, par d’autres moyens, de ses récits d’histoires intimes liées à la sexualité, aux troubles de l’alimentation et l’égalité des sexes. Choc !
Laia Abril poursuit ici son travail d’archiviste sur le contrôle systémique du corps des femmes, à travers le temps et les cultures. Elle justifie On Rape de la sorte : « En scrutant, conceptualisant et visualisant les échecs judiciaires, en tenant compte des réglementations historiques, des dynamiques toxiques et des témoignages de victimes, le projet pointe la culture du viol institutionnel répandue dans les sociétés du monde entier. Je développe ce travail en explorant les liens entre mythes, pouvoir et droit et les notions de masculinité et de violence sexuelle.
J’ai choisi ce sujet de la même manière que le premier chapitre sur l’avortement. J’ai été saisie par un fait divers local qui m’a profondément marquée. En 2018, le tribunal espagnol a libéré cinq hommes qui avaient violé une jeune femme de 18 ans, jugés pour abus sexuel plutôt que viol, remettant en question la jurisprudence espagnole face au viol. En pleine apothéose du mouvement #MeToo, je voulais comprendre pourquoi certaines structures institutionnelles telles que la justice, le droit et la politique échouaient non seulement face aux victimes de viol, mais encourageaient en réalité la violence en préservant les rapports de pouvoir et le viol comme norme sociale.
Au regard de l’histoire, j’ai pu identifier les stéréotypes et les mythes fondés sur le genre, les préjugés et les fausses idées qui ont maintenu et perpétué la culture du viol. À travers une recherche minutieuse sur les erreurs judiciaires et l’accusation répétée des victimes, ce projet montre à quel point la société blâme encore aujourd’hui les victimes d’agression sexuelle, tout en normalisant la violence sexuelle. »
On Rape est composé d’un ensemble de photographies, d’objets et de témoignages. Le projet est pensé comme une installation dont l’agencement dans l’espace constitue le cœur plastique. Ces éléments interconnectés n’offrent pas une approche linéaire ou chronologique, mais permettent, au contraire, plusieurs niveaux de lecture. En créant des ponts entre l’histoire, les lieux et les cultures, Laia Abril rappelle la monstruosité universelle du viol.
Ce projet a reçu le prix Tim Hetherington Trust Visionary 2018 et le soutien du Mangum Fundation Grant 2019. Son parcours de journaliste lui permet d’associer recherche et sciences humaines dans ses projets, sans pour autant reléguer ses œuvres à un strict constat documentaire. Et cela fait tout le sel de ses puissantes installations immersives jusqu’au malaise. Belle claque !
Jean-Pierre Simard le 4/01/2020
Laia Abril - On Rape : A history of Misogyny chapter two -> 22/02/2020
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