L'ICI graphique décalé de Kay Rosen interpelle le langage et le politique

Depuis le virage graphique de Kay Rosen, en 1968 ( bonne année !), sa démarche vise l'étude de l'art basé sur le langage. À travers des peintures, des dessins, des peintures murales, des gravures, des collages et des vidéos, elle a cherché à donner un nouveau sens aux mots et aux phrases de tous les jours en remplaçant la page imprimée par l'échelle, la couleur, les matériaux, la composition, le graphisme et la typographie. Rien que du bonheur !

Kay Rosen, Fucking Kings, 2020 — Gouache acrylique métalisée sur papier aquarelle — 67,6 x 45,7 cm — Œuvre unique Courtesy of the artist & Galerie michèle didier, Paris

Si les questions politiques constituent souvent le fondement de l'œuvre de Rosen, elle insiste sur le fait que son travail n'est pas guidé par la politique, mais par le langage, et qu'elle le suit là où il l'emmène. Rosen aime l'acte physique de dessiner et de peindre, et matériellement ses peintures et ses dessins sont intensément rendus ; cependant, elle considère le langage comme un matériau trouvé, ce qui la place conceptuellement dans le rôle plus passif d'un observateur cognitif et d'un facilitateur du langage. L'écrivain Rhonda Lieberman l'a décrite comme une révélatrice du langage qui "la montre en train de faire des choses qui sont totalement au-dessus, au-delà et/ou en dessous de sa fonction de mode de communication".

Le travail de Rosen a été décrit comme de la sculpture, de la poésie, de l'architecture et de la performance. Roberta Smith l'a qualifiée de "sculpteur de l'écrivain" et Eileen Myles de "poète du monde de l'art". Dans un article paru en 2014 dans Art In America, Rosen écrit : "Le linguiste en moi voulait que le sens soit porté par la structure des mots, et non par le style de la typographie ; le peintre intérieur insistait pour que la couleur soit porteuse de sens ; le sculpteur en moi était obsédé par la construction des formes de lettres à travers les matériaux et le processus ; et tous les instincts poétiques recherchaient l'efficacité."

Plusieurs de ses œuvres sont présentées, dont Soundtrack, constituée de six unités, chacune contenant trois lignes de texte. Unité par unité, le texte se découvre progressivement jusqu’à ce qu’il soit entièrement révélé. Soundtrack fait référence à un ensemble de peintures de l’artiste datant de 1990, dans lequel des parties de mots sont dissimulées, obligeant le spectateur à créer du sens à partir des lettres demeurant visibles.

More Outrage (and less oil) est une annonce trouvée par Peter Cain pour une exposition à la galerie Matthew Marks en 2002. Son message était "Plus de courage et moins d'e pétrole". Rosen a ajouté de la peinture bleue à certaines des lettres tracées et a inséré un T dans le mot COURAGE pour créer le nouveau message : More Outrage, en réponse au réchauffement climatique et à la dépendance continue à l'égard des combustibles fossiles, ce qui est encore plus urgent aujourd'hui.

Kay Rosen a fait l'objet de nombreux articles et critiques, ainsi que d'expositions collectives et individuelles. En 1998, elle a notamment fait l'objet d'une enquête de mi-carrière en deux lieux, intitulée Kay Rosen : Li[f]eli[k]e, organisée par Connie Butler et Terry R. Myers au Los Angeles Museum of Contemporary Art et à l'Otis College of Art Design. Elle a reçu plusieurs prix, dont une bourse de la Fondation Guggenheim en 2017 et trois subventions de la National Endowment for the Arts Visual Arts Grants. Ses œuvres font partie de nombreuses collections institutionnelles et privées. Rosen a enseigné à l'École de l'Institut d'art de Chicago pendant vingt-quatre ans. Elle est née et a grandi à Corpus Christi, au Texas, en 1943, et vit à New York et Gary, dans l'Indiana.

Hubert de la Bath, le 5/06/2024
Kay Rosen - Ici -> 13/07/2024

Galerie Michèle Didier - 94, boulevard Richard Lenoir 75011 Paris

Kay Rosen Slyly Lying, 2018