Une longue année d'Anamaz & Riverdog par JJ Birgé
Anamaz ressemble à la petite sœur de Mylène Farmer qui aurait adopté le style des Sweet Lolitas japonaises qu'on rencontre dans le quartier d'Harajuku de Tokyo. Ses dentelles et rubans contrastent avec les jeans, blouson et hoodie des Minesottiens Jack Dzik et Léo Remke-Rochard.
Évoquer les fringues plutôt que parler de la musique me rappelle les chroniques des magazines que je ne lis plus, mais qui continuent à se flétrir dans le monde du rock et du jazz. Ce n'est pas innocent. C'est une introduction plausible à ce séduisant disque de pop expérimentale qui a un pied dans le trip hop portisheadien et l'autre dans le spoken word burroughsien, l'ensemble mâtiné d'ambient plutôt planant. Les chansons des trois lascars sont portées par les sons électroniques de Léo et la batterie de Jack. C'est si réussi qu'on peut se demander si l'album Une longue année n'est pas une mise en boîte de tous les effets mainstream auxquels le show-biz nous a habitués, sans pour autant se livrer à la moindre concession qui friserait le mauvais goût.
Le duo Riverdog nous avait déjà gratifié d'un Fallen Chrome avec le trompettiste Jac Berrocal, une autre rock 'n roll attitude où l'image précède le son. En s'associant à la chanteuse Anamaz, ils enfoncent le clou de la modernité jusqu'à transpercer les planches. Les intonations fugaces d'Orelsan ou Katrine, une voix vocodée ou du field recording donnent à l'album une sorte de distance critique, une dialectique musicale qui assume sa tendresse pour ce qu'ils moquent, travestissent et finalement glorifient. La fougue rimbaldienne électrise ces trois jeunes musiciens qui tracent leur chemin de sable sans se préoccuper de la frontière entre chaussée et trottoir. De même que leurs papas (Jean Rochard et Thierry Mazaud) leur ont mis le pied à l'étrier, ils ont demandé à Tonton Dominique Pifarély et Tata Catherine Delaunay de venir avec leurs violon et clarinette jouer sur un titre, leur présence soulignant que le jazz n'est plus une musique, mais une manière de l'appréhender, somme d'expressions individuelles au sein d'un collectif où l'improvisation fait partie de la composition. Et leur flow, ils ne le doivent qu'à eux. Un disque libre et riche qui supportera de nombreuses réécoutes.
Jean-Jacques Birgé le 24/04/2023
Anamaz & Riverdog, Une longue année, CD nato, dist. L'autre distribution