Redécouvrons cet animal politique de Gilles Aillaud à Beaubourg
On peut appréhender Gilles Aillaud d’au moins deux manières. D’abord l’éco-artiste avant l’heure, celui qui, sa vie durant, ayant peint les animaux enfermés dans des zoos, nous invite à repenser notre rapport au vivant — et plus largement aux choses terrestres. Ensuite, comme un artiste de son temps pop qui décline les canons du genre avec une fixette sur les produits de consommation et la communication de masse. Faites votre choix !
C’est faute d’avoir pu être philosophe, que Gilles Aillaud est devenu peintre. Plutôt toutefois que de peindre une philosophie, Gilles Aillaud s’est appliqué à « peindre philosophiquement ». Laissant croire qu’il représentait des animaux, c’est notre relation à la nature qui s’impose comme son seul et véritable sujet. Son « humilité » technique donnent forme au songe d’une réconciliation, loin de tout projet de « maitrise » et de « possession » du monde. Les interrogations que notre époque adresse à notre relation au vivant montrent l'importance de cette rétrospective.
Interrogé sur son choix de ne peindre presque exclusivement que des animaux, Gilles Aillaud répondait : « parce que je les aime ». Contemporaines des premières œuvres Pop, de leur fascination, plus ou moins distante, pour les produits de la consommation, de la communication de masse, le sujet de Gilles Aillaud pouvait apparaître comme exotique. Les interrogations que notre époque adresse à notre relation au vivant rendent son iconographie moins incongrue et montrent l'importance de cette rétrospective. Attendue, cette exposition permet de (re)découvrir l'œuvre de Gilles Aillaud comme récemment ceux de Georgia O'Keeffe ou Germaine Richier.
L’objectivité manifeste de son art fait de lui, le père putatif d’une nouvelle génération d’artistes que fascine un réalisme emprunté aux technologies modernes de l’image. C’est faute d’avoir pu être philosophe, que Gilles Aillaud est devenu peintre. De sa première formation, sa peinture a hérité une nature hybride, l’équivalent de ce que la tradition chinoise nommait : une Peinture lettrée.
Que ses représentations des parcs zoologiques soient contemporaines de Surveiller et punir (de Michel Foucault) et de La société du spectacle (de Guy Debord,) en lesquels se résumaient les questions que sa génération adressait aux formes du pouvoir et à l’artificialisation du monde ne saurait être insignifiant. Plutôt toutefois que de peindre une philosophie, Gilles Aillaud s’est appliqué à « peindre philosophiquement ».
Laissant croire qu’il représentait des animaux, c’est notre relation à la nature qui s’impose comme son seul et véritable sujet.
Laissant croire qu’il représentait des animaux, c’est notre relation à la nature qui s’impose comme son seul et véritable sujet. Loin des villes et de leur « jungle » de béton, il a retrouvé en Afrique une nature dont les animaux dupliquent couleurs et contours jusqu’à disparaître en elle. Avec les moyens de son art, Gilles Aillaud a voulu atteindre un tel « effacement ». Son « humilité » technique donne forme au songe d’une réconciliation, loin de tout projet de « maîtrise » et de « possession » du monde.
Didier Ottinger, commissaire de l'exposition/ Directeur adjoint, Musée national d'art moderne le 16/10/2023
Gilles Aillaud - Animal politique -> 26 févr. 2024
Centre Pompidou Galerie 3, niveau 1 Place Georges-Pompidou
75004 Paris