Seriana Promethea, un rêve jazz groovy pour tous ceux qui n'aiment pas ça - et les autres

La musique est étonnante, les musiciens sont exceptionnels, l'album entier n'est que pur plaisir. Et ce n'est même pas que Seriana Promethea se fraye un chemin dans le paysage actuel - très bon - de la musique. Non, on dirait qu'il est apparu là-bas, dans cet endroit ensoleillé, joyeux, jazzy, enraciné dans la grandeur, loin de toute attention, où il a grandi, pour finalement nous surprendre, mais si naturellement, qu'on ne peut plus s'en passer.

Le Brave New World Trio de David Murray est certainement une des dream team du jazz moderne. La seule explication pour laquelle le saxophoniste, le bassiste Brad Jones et le batteur Hamid Drake n'ont pas tourné et enregistré ensemble dans le passé est que chaque musicien est très demandé en tant que leader ou sideman. Il a fallu une pandémie mondiale, où chaque joueur se trouvait à proximité des autres, pour qu'un concert et cet enregistrement aient lieu. Sans être prêt à remercier le virus pour ces sons, louons notre chance.

Murray a composé toute la musique de cet album, à l'exception du morceau "If You Want Me to Stay" de 1973 de Sly & The Family Stone. Ce morceau résume parfaitement ce projet. Les trois musiciens, bien que pratiquant l'avant-garde, intègrent volontiers des grooves funk et boogie dans leur musique, Murray avec Kahil El'Zabar, Jones dans le New Zion Trio, et Hu Vibrational de Drake. Comme la composition de Murray des années 1970 "Let The Music Take You", qu'il a recréée au fil des ans dans de petits et grands ensembles, toute cette session vous emmène "plus profondément que le cœur ne peut le ressentir". Le morceau titre, alimenté par la pulsation grondante de Jones, fait appel à la clarinette basse funky de Murray et au groove incessant de la batterie de Drake. Le trio nous invite à nous lever et à danser tout au long des grooves latins "Switchin' In The Kitchen" et de l'attaque tenace de "Necktar". "Rainbows For Julia" est parallèle à Flowers For Albert (Enja) que Murray a présenté à l'âge de 21 ans. Aujourd'hui sexagénaire, son son est facilement identifiable et, avec son Brave New World Trio, il est plus frais que jamais.

Ensemble, ils puisent dans la tradition afro-américaine ainsi que dans d'autres cultures et présentent avec Seriana Promethea une déclaration musicale impressionnante. "Le résultat montre le niveau intuitif de compréhension atteint. Ayant atteint, au milieu de la soixantaine, un niveau de maîtrise technique tel qu'un musicien "peut jouer toutes les notes qu'il entend", Murray a vu dans ce trio sans piano non seulement un moyen de faire circuler les notes, mais aussi un catalyseur de liberté totale : cette configuration rare qui lui permet de livrer, à travers le saxophone, "l'expression la plus libre de moi-même", écrit Derek Schilling dans les notes de pochette. Disque, genre obligatoire. Vous êtes prévenus.

Jean-Pierre Simard
Brave New World Trio - Seriana Promethea - Intakt