Le nouveau monde cathartique de Clotilde Jiménez
Né à Honolulu en 1990 et vivant à Mexico City, Clotilde Jiménez déploie un vocabulaire pictural oscillant entre outrance et infinie préciosité pour figurer les frontières de ce nouveau monde. L’avenir appartient à ceux qui croient en la beauté de leurs rêves, et ceux-ci existent dans un nouveau monde que nous créons.
Clotilde Jiménez a développé une approche cathartique qui lui permet de prendre ses distances avec le registre habituel des idéaux de l’art occidental en façonnant un nouveau vocabulaire visuel pour sa pratique artistique. Associant des collages de matériaux trouvés, il déconstruit des découpages de tableaux occidentaux, faisant ainsi écho au fameux Erased de Kooning Drawing de Robert Rauschenberg (1953), qui avait entrepris de découvrir si une œuvre d'art pouvait être entièrement produite par effacement - un acte axé sur l'élimination des marques plutôt que sur leur accumulation (voir l’explication de cette oeuvre étonnante sur le site du MOMA de San Francisco. Ces déconstructions sont cependant souvent transformées pour devenir la base d’arrière-plans, ou bien des objets totalement nouveaux, tels des bateaux sur lesquels ses personnages sont embarqués.
Les formes centrales veloutées, soulignées de fusain, créent une abstraction gestuelle, des tourbillons et des superpositions caractéristiques. Chaque mouvement, par sa liberté, exprime un échange audacieux et délibéré. En parallèle, les idées et les actes politiques sont guidés par la beauté et la conduite morale. Les racines de ce nouveau langage plongent dans l’imagerie visuelle épurée issue de la vie de l’artiste au Mexique, tout en créant une iconographie qui lui est propre et dont le sens est immédiatement compréhensible.
Le travail actuel de Clotilde Jiménez est né à la suite de réactions lourdes d’émotions causées par des pertes subies ces dernières années. Ce sentiment de manque a amené l’artiste vers un proverbe fante du Ghana qui demande : « Vas-tu t’envoler ou disparaître ? », une question que beaucoup d’entre nous ont été amenés à se poser pendant la pandémie du Covid— rare moment de réflexion commune.
L’œuvre de Clotilde Jiménez est une confession, une documentation, mais aussi l’affirmation de son choix de s’envoler. La réaction à des événements qui remettent en question notre conception de l’enracinement, de l’estime de soi, de la solitude et de la mort peut nous donner le temps de nous découvrir et de trouver la force d’aller de l’avant. L’étude de l’histoire des drapeaux Asafo du peuple fante attire l’attention sur l’invention de traditions inédites. L’ensemble des œuvres présente des icônes symboliques originales et, avec ses figures expressionnistes noires, de nouvelles façons de penser.
L’avenir appartient à ceux qui croient en la beauté de leurs rêves, et ceux-ci existent dans un nouveau monde que nous créons.
Luis Busnuel le 10/02/2022
Galerie Mariane Ibrahim - 18, Avenue Matignon 75008 Paris