Mamaleek, Prince Waly, La Perversita et Oren Ambarchi
Tu veux un col roulé ou tu préfères un flip atomique ? On a un peu cherché ce que ça pouvait donner niveau son et on a trouvé ça : Mamaleek en jazz from hell, Prince Waly en hip hop aventureux, La Perversita pour les agités du BDSM et Oren Ambarchi avec son space opera. Les temps changent, ne vous laissez pas distancer.
Avant tout, Il faut retenir le rire sardonique mais fraternel qui imprègne Diner Coffee de Mamaleek ; ode sonore écrasante des déconstructionnistes du métal de San Francisco à l'humour résiduel propre aux catastrophes, dîners américains et toutes "petites choses". Avec un mélange de performances live, d'échantillons et d'enregistrements sur le terrain, Diner Coffee offre le versant sonore d’une camaraderie que l'on trouve au cœur des calamités mondiales et des situations personnelles changeantes. C'est un hommage au quotidien avec, pour toile de fond, les propriétés mythologiques et sanctuarisées d'un restaurant, se délectant d'une nostalgie sans ironie.
A l'origine du groupe : deux frères anonymes, en formule enrichie ces derniers temps pour s’aventurer live ces dernières années. Diner Coffee s'inscrit dans la lignée de Come & See, sorti en 2020 et fait appel à des voix nouvelles, inconnues et peu familières - notamment des expériences élargies avec des cuivres, des bois et des cordes, ainsi qu'un harmoniciste blues de la Bay Area qui a improvisé des sélections enregistrées pendant les répétitions. Les morceaux qui en résultent touchent à des signifiants du black metal, du blues, de l'ambient, et plus encore.
Diner Coffeer tente, d’un seul mouvement, de représenter la progression artistique du groupe et l'état du monde. Adoptant une perspective étonnamment optimiste, Mamaleek propose un projet de compositions totalement uniques, échappant à toute catégorisation facile et renforçant leur abstraction des genres. Jazz from Hell on a dit. On maintient !
Héros de la guitare étendue, Oren Ambarchi revient avec Shebang, le dernier opus de la série d'exercices rythmiques de longue haleine aux détails complexes qui comprend Quixotism (2014) et Hubris (2016). À l'instar de ces derniers, l’album réunit un casting international de sommités musicales, dont les contributions ont été enregistrées individuellement dans des lieux allant de la Suède au Japon, mais qui ont été assemblées de manière si convaincante (par Ambarchi en collaboration avec Konrad Sprenger) qu'il est difficile de croire qu'elles n'ont pas respiré le même air de studio. En développant les techniques utilisées sur Simian Angel (2019), nous ne pouvons jamais être entièrement sûrs de qui est responsable de ce que nous entendons, car la guitare d'Ambarchi est utilisée pour déclencher tout, des lignes de basse aux riffs de piano entraînants.
Reprenant les motifs de guitare staccato qui traversaient Hubris, l'unique morceau de 35 minutes de Shebang commence par un treillis précisément entrelacé de figures de guitare carillonnées, élargissant la pulsation monolithique de Hubris en un mélodisme joyeux et hyper-rythmique qui fait appel à des points de référence aussi disparates qu'Albert Marcoeur, les débuts du Pat Metheny Group et It's A Wonderful Life de Henry Kaiser. Partant de notes isolées pour aboutir à des polyrythmies denses, les sons sourds de la guitare sont rejoints par des touches subtiles de sons chatoyants de cabinets Leslie et de synthétiseurs de guitare.
Bien qu'il occupe seul son espace rythmique tout au long de l'album, le son d'ensemble dense de Shebang est soigneusement composé tout en s'appuyant sur le flux libre de l'improvisation, avec des voix individuelles qui passent momentanément au premier plan et des changements subtils dans l'harmonie et la texture. Le plus surprenant de ces changements se produit vers la moitié de l'album, lorsque la fumée d'un crescendo de synthétiseur bourdonnant de Jim O'Rourke se dissipe pour révéler quelque chose qui ressemble à un trio de piano, avec les motifs de piano déclenchés par la guitare d'Ambarchi qui accompagnent avec agitation les lignes mélodiques fluides de Chris Abrahams de The Necks, tandis que la contrebasse de Johan Berthling et la batterie de Talia complètent le fond. Peu de temps après, les choses prennent un autre virage à gauche lorsque les lignes de guitare à 12 cordes de Julia Reidy prennent le devant de la scène, avec les nuages de synthé monumentaux de O'Rourke qui planent au loin. L'ensemble se lance dans une lente série de changements harmoniques avant que le tout ne se dissolve dans un mirage synthétique délirant.
Faisant le lien entre le minimalisme, l'électronique contemporaine et le style classique d’ECM, et réunissant une équipe de collaborateurs extrêmement talentueux, Shebang est sans conteste l'œuvre majeure d'Oren Ambarchi : obsessionnellement détaillée, implacablement rythmée et résolument festive. De Fripp en Frith ( et au-delà) Chanmé !
Moussa marque le retour d’un grand du hip hop d’ici, cloué deux ans par un cancer du thymus dont il est ressorti changé. La maîtrise du son et du game sont intact, mais lui a changé, comme il le disait au micro de Red Bull.
Cela a-t-il été facile d’évoquer la maladie sur ce nouvel album ?
Prince Waly: Je suis une personne pudique et timide de base, je ne parlais pas de moi dans ma musique, je faisais beaucoup de storytelling ou j’utilisais la troisième personne pour prendre de la distance. Il n’y a pas si longtemps encore, je ne voulais pas revenir avec des morceaux qui parlent de la maladie. C’est très bizarre mais je culpabilisais un peu. Ce n’était pas de la honte mais je voulais le cacher, je ne voulais pas exposer mes faiblesses, je voulais choisir quoi partager avec le public.
Pourquoi avoir changé d’avis ?
Prince Waly: Ce sont mes proches qui m’ont convaincu de raconter cette période, déjà pour moi, pour m’en servir comme une thérapie, et parce que ça pouvait aussi aider certaines personnes qui traversent la même chose. Et ils avaient raison ! Aujourd’hui, j’ai moins de mal à parler avec le cœur, je n’ai plus de filtres.
Qu’entendez-vous par là ?
Prince Waly: La plupart des rappeurs pensent qu’ils ont une image à tenir ou un certain statut, mais on est des êtres humains avec des émotions, des hauts et des bas. Avec du recul, je n’aimais pas trop la personne que je devenais en 2018-2019, avec tous ces filtres justement. J’étais un rappeur de vitrine, je ne parlais que de marques de mode, de cinéma, avec une tonne de références. Aujourd’hui, je suis vraiment en paix avec la personne que je suis devenue et je n’ai plus de mal à raconter ma vie. Aux amateurs de poésie, ça va causer plus qu’un peu .
Au départ de cette affaire qui va faire sale - mais c’est bien le propos, l’agit-prop punk de la fin des 70’s - on trouve un tourneur atypique et gauchiste, Jacques Pasquier et l’ancien Barricade, Hector Zazou musicien éclectique et producteur de nombreux projets comme ZNR, Zazou-Bikaye et tant d’autres sous son nom propre auxquels s’ajoutent de Libé : Bayon, Hennig et Jeanne Folly, future chanteuse pop, mais présentement compagne d’Hector. On ajoute au mix Martin Meissonnier, Hamilton Barclay et Médor-Mader (alter-ego de Zazou à Marseille), Henry Kaiser, Lay Jeame et John Sindler . Enfin, puisque l’idée de base est de mixer ( au temps de l’anti-psychiatrie ) le sexuel et le médical pour un effet maximal, on s’attache à traiter certains traits de la perversion sexuelle (cf. le titre), en s’appuyant sur les recherches sonores qui font se télescoper Beatles et Stones via les Residents et innover en propre, à partir des travaux précédents de Zazou. A une époque tout poudrée d’héro, la panacée des punks, le son se doit d’être glacial et coupant autant que caverneux à un autre niveau - préférez le vinyle de cet opus, on ne vous le répétera pas … Ceci mis en boîte, Pasquier va chercher Kiki et Loulou Picasso, T5, Olivia Clavel et Lulu Larsen, qui traînent dans les mêmes lieux mal famés culturels que lui et, ceux-ci, grands amateurs de dictionnaires médicaux vont lui pondre les illustres saignantes qui vont rendre le disque encore plus singulier, tandis que Bayon/VZX 375 va novelliser le propos. Meissonnier dira “ objet totalement ovni à l’époque”. Il tournera en boucle à Parallèles, pas autant que le premier Suicide, mais … Aujourd’hui, après les snuff movies et les sites porno accessibles à tous, il semble bien au diapason de l’époque. Mais, si on veut bien se souvenir de Giscard jouant de l’accordéon à la télé à la même époque, cela montre bien la distance existant entre l’esprit punk mordant des Olivensteins d’Euthanasie ou de Pétain, Darlan ( c’était le bon temps) ou de la Perversita qui nous occupe ici et les braiements de Dalida, Charden ou de Michèle Torr. On retrouve donc ici un classique du jour, d’avant-garde hier mais qui a gardé tout son charme mordant. Pour ses deux titres consacrés au cannibalisme, il faudra ensuite attendre le trash metal (Sepultura ? )pour retrouver pareille thématique, des années plus tard. Quant à La Soupeuse, Bashung s’en souviendra dans La Nuit je mens ( A la station balnéaire, Tu t'es pas fait prier, J’étais gant de crin, geyser, Pour un peu, je trempais. Histoire d'eau.) Un grand disque sorti malencontreusement deux ans avant l’arrivée des radios libres - qui lui aurait donné une audience à sa mesure. Il est temps de (se) sortir les doigts du culte - et lui faire un vrai succès. Pigé ?
Maintenant, vous pouvez choisir entre promesse d’hiver nucléaire par Putin/Biden, rêve de guitare, confession ultime d’un rappeur frappé au thymus et revenu décillé ou encore catalogue de perversion à la mode Zazooka… Mon côté pervers me dicte bien ma conduite du côté de l’Institut Médico-légal. Vous, je ne sais pas, … du côté de la place Beauvau pour mastiquer un morceau de …
Jean-Pierre Simard le 10/10/2022
Mamaleek - Diner Coffee - The Flenser
Oren Ambarchi - Shebang - Drag City
Prince Waly - Moussa - BO Y Z
Hector Zazou, JL Hennig, VZK 375, Jeanne Folly, Bazooka - La Perversita - Scopa 10 005/ Sofa Records