D'art et de vie en commun, le parcours Bauhaus d'Anni et Josef Albers séduit au MAM
L’Art et la vie, l’expo du MAM consacrée à Anni et Joef Albers rassemble plus de trois cent cinquante œuvres (peintures, photographies, meubles, œuvres graphiques et textiles) significatives du développement artistique des deux artistes les moins célébrés du Bauhaus, en un bienvenu retour de flamme !
Anni Albers (née Annelise Fleischmann, 1899-1994) et Josef Albers (1888-1976) se rencontrent en 1922 au Bauhaus et se marient trois ans plus tard. Ils partagent d’emblée la conviction que l’art peut profondément transformer notre monde et doit être au cœur de l’existence humaine.
« Les œuvres d’art nous apprennent ce qu’est le courage. Nous devons aller là où personne ne s’est aventuré avant nous. » (Anni Albers)
Dès le début de leur travail, les deux artistes placent ainsi la fonction de l’art au cœur de leur réflexion. Ils adhèrent non seulement à la revalorisation de l’artisanat et aux atouts de la production industrielle (Bauhaus) pour rendre possible la démocratisation de l’art, mais ils estiment aussi que la création joue un rôle essentiel dans l’éducation de chaque individu. Ils ne cessent de démontrer, en tant qu’artistes mais aussi enseignants, l’impact incommensurable de l’activité artistique sur la réalisation de soi et, plus largement, sur la relation avec les autres. Forts de ces valeurs, ils cherchent à amener leurs élèves vers une plus grande autonomie de réflexion et à une prise de conscience de la subjectivité de la perception. Selon eux, l’enseignement ne se réduit pas à transmettre un savoir théorique déjà écrit mais consiste au contraire à susciter constamment des interrogations nouvelles : d’abord par l’observation sensible du monde – visuel et tactile – qui nous entoure ; puis par la découverte empirique que comporte l’expérimentation créatrice avec les matériaux à portée de main, sans préjuger de leurs valeurs esthétiques.
« Apprenez à voir et à ressentir la vie, cultivez votre imagination, parce qu’il y a encore des merveilles dans le monde, parce que la vie est un mystère et qu’elle le restera. Mais soyons-en conscients. » (Josef Albers)
L’exposition s’ouvre sur deux œuvres emblématiques de chaque artiste, illustrant d’emblée, tel un prologue, les valeurs formelles et spirituelles qui relient le couple. Puis elle suit, de manière chronologique, les différentes étapes de leur vie. Une première section rassemble leurs productions, riches et variées, issues du Bauhaus, de 1920 à 1933. Le départ du couple pour les États Unis en 1933 marque le début de la deuxième section, dédiée aux œuvres réalisées au Black Mountain College. Puis deux autres temps forts de la visite s’attachent à présenter une sélection pointue de Pictorial Weavings de Anni et de Homages to the Square de Josef. Enfin, la dernière partie de l’exposition est consacrée au travail graphique d'Anni, initié avec Josef dans les années soixante et qu’elle va poursuivre jusqu’à la fin de sa vie.
Une salle, spécifiquement dédiée à leurs rôles respectifs en tant que professeurs, permet aux visiteurs, grâce à d’exceptionnels films d’archives, de se glisser dans la peau des étudiants et de suivre un cours « en direct ». Un grand nombre de documents (photographies, lettres, carnets de notes, cartes postales, etc.), réunis avec l’aide de la Fondation Josef et Anni Albers, permet également de contextualiser le travail des deux artistes.
Avec leurs vies au service de l’art et du professorat ( voir les vidéos dont on parle plus haut) , les Albers ont défriché beaucoup de terrain dans leurs domaines de prédilection, du design mobiiler au Bauhaus aux études sur les couleurs pour Josef et sur le tissage pour Anni au Black Mountain College, cette exposition qui aura pris 6 ans à monter donne la parole à deux figures qui vont ainsi trouver la place importante qui leur convient au sein de l’histoire l’art du siècle dernier.
« Logique mais ludique, équilibré mais dynamique, simple mais complexe, un modèle de relations réciproques et de “respect” », le méandre joue un rôle essentiel dans l’art et la vie des Albers. Josef reproduit abondamment ce motif, que ce soit pour ses élèves ou dans son travail. Anni le décline en le complexifiant jusqu’à en créer un labyrinthe. Les deux artistes sont particulièrement fascinés par le rapport complémentaire entre figure et fond qu’offre ce motif ornemental antique. Quand la ligne du méandre dessine une figure («active», selon Josef), elle délimite en même temps un fond. Mais celui-ci peut passer de l’espace de réserve qu’il occupe à un rôle « actif » en devenant figure à son tour. Sans début ni fin, stable et en mouvement, vertical et horizontal, mâle et femelle, le méandre incarne pour Josef non seulement « l’un des dispositifs formels les plus brillants, mais aussi l’une des grandes inventions de l’esprit humain ». Si Josef porte à la relation figure-fond un intérêt d’abord visuel (lignes verticales, horizon- tales et diagonales sont examinées selon leur potentiel illusionniste), Anni l’aborde d’un point de vue structurel, car le tissage, par essence, crée une interdépendance entre le fil de trame et le fil de chaîne. Les deux faces d’un textile se définissent par cette relation qui les rend inséparables, toutes opposées qu’elles soient.” Julia Garimorth ( extrait du catalogue de l’expo.)
L'exposition est organisée en étroite collaboration avec The Josef and Anni Albers Foundation à Bethany, Connecticut. Elle sera également présentée à l'IVAM (Instituto Valenciano de Arte Moderno) à Valence, Espagne, du 17 février au 20 juin 2022.
Bernard Trâmé le 13/09/2021
Anni et Josef Albers - L'art et la vie - >09 janvier 2022
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris 11, avenue du Président Wilson 75116 Paris
Un catalogue est publié aux éditions Paris Musées (272 pages, 45 €).