Post mortem, mais toujours de mise, les live de Mika Vainio
De 1997 à 2017, le regretté Mika Vainio aura tenté beaucoup de choses en musique et en sons. De ses collaborations avec Pita, Fennesz, Charlemagne Palestine ou, plus longuement avec son collègue de Pan Sonic, Ilpo Väisanen, Vainio aura bousculé, intrigué et souvent ravi. Last Live, comme (actuel) dernier jalon du parcours en témoigne.
Le regretté Mika Vainio a plus d'albums live que la plupart des artistes électroniques. Il est facile de comprendre pourquoi : sa musique est élémentaire et improvisée, exploitant la puissance et le son de l'électricité elle-même. Par lui-même et avec d'autres, les performances de Vainio étaient fougueuses, parfois infernales, alternant entre des flux de distorsion dentelée, des sons durs et, parfois, des rythmes techno martelés. Last Live capture sa toute dernière performance à Cave12 en Suède, deux mois avant sa mort. Il montre Vainio dans ce qu'il a de plus impitoyable et de plus hallucinant. Pendant un peu plus d'une heure, il arrache de son équipement des sons brutaux et méchants, sans rythme ni mélodie. C'est comme écouter l'art de Vainio distillé dans sa forme la plus pure.
Le concert présenté sur cet album, édité en quatre mouvements par Stephen O'Malley, n'était pas censé être un chant du cygne. Il n'a aucun sens de la finalité, aucune cohésion thématique, aucune justice poétique. Il n'y a qu'une heure de son abrasif, centré sur le laser. Vainio a toujours été ravi de la partie électrique de la musique électronique, et celui-ci met l'accent sur cette partie de sa pratique. Elle commence par un simple bourdonnement qui inspire la terreur et qui se transforme progressivement en un bruit affreux.
Last Live se distingue également de la plupart des disques de Vainio parce qu'il n'y a jamais de rupture dans ce qui ressemble au rythme, ou aux raz-de-marée techno qui ont rendu certains des disques live de Pan Sonic si imposants. Au lieu de cela, il se livre à son amour du son physique. Écoutez comment le deuxième mouvement passe de la distorsion du tympan au quasi-silence. Parfois les sons sont jolis, parfois ils sont incroyablement ternes. Certains évoquent le son des acouphènes. Le dernier mouvement se termine par un ton soutenu si émoussé qu'il semble envahir chaque partie de votre corps, remplissant vos sinus et tendant vos muscles.
Vivre cela en concert a dû être incroyable, mais le disque n'essaie pas de restituer l'atmosphère de l'événement lui-même. Ce qu'il capture, c'est une alimentation brute de Vainio à son meilleur en tant qu'artiste sonore. Ce n'est pas le véritable adieu qu'il méritait avant de mourir soudainement deux mois plus tard, mais c'est une note flamboyante à poursuivre.
Last Live peut sembler conflictuel, voire effrayant, mais pour ceux qui connaissent l'œuvre de Vainio, c'est l'expression de la joie et de la puissance de vie d'un des artistes du son les plus féroces de l'histoire. Les novices s’y reprendront à plusieurs fois, les autres se souviendront avec émotion.
Jean-Pierre Simard le 28/02/2021
Mika Vainio - Last Live - Editions Mego/Cave12