Où en est l'image dans le miroir, avec Edouard Taufenbach

On aurait adoré voir la dernière expo d’Edouard Taufenbach, Spéculaire, programmée à Paris Photo, mais d’un confino à l’autre, on se contentera de vous parler de l’Image dans le miroir, livre qui reprenait de précédentes expériences en 2019.

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Les images du Spéculaire d'Edouard Taufenbach pulsent. Un bourdonnement vibrant nous attire vers leur surface. A l'intérieur de ces images, les corps rayonnent : un bras tendu s'étend, atteignant de façon impossible une figure masculine à droite du cadre. A côté d'un arbre, il s'apprête à cueillir les fruits de celui-ci. Un mouvement dynamique est en cours, mais en même temps il est sur le point de se produire. Nous suivons et sentons ce qui est à venir. Sur une autre image, un jeune garçon regarde à droite et fait face à l'eau. Son bras gauche est tendu dans un acte d'équilibre préventif, comme si son bras droit, hors du cadre, était prêt à lancer une pierre. Nous ne voyons ni le bras qui lance ni son objet, mais l'image est secouée : elle ondule.

Duncan Wooldridge/ 1000 Words

Sur le pont

Sur le pont

Tirée d'une collection de photographies appartenant au scénariste et réalisateur Sébastien Lifshitz, qui a invité Taufenbach à répondre et à repenser les images de sa collection, Spéculaire trace une ligne réimaginée - des photographies qui ont évolué à travers de multiples objectifs, réponses et conditions. La photographie pourrait entrer dans cet espace du possible, précisément parce qu'elle n'est pas l'événement ou la personne elle-même. Retirée de son contexte d'origine, puisque ces contextes ont été perdus ou abandonnés, et qu'elle n'est plus la chose elle-même, la photographie entre dans un cadre temporel différent.

Les clichés vernaculaires rassemblées en groupes, en couples et en tant qu'acteurs singuliers - sont devenus pour Liftshitz un terrain d'exploration du désir, de la sexualité et de l'intimité, recherchant une homoérotique de la photographie, que les images fournissent à travers des espaces complexes d'exposition publique et privée. Elles ont cependant commencé comme aide-mémoire, comme souvenir et/ou comme substitut, comme les photographies de nos relations, celles qui constituent ce que le sociologue Pierre Bourdieu a identifié comme un ciment entre des sujets éloignés les uns des autres. Une fois ce lien rompu, la spéculation sur l'image commence. Taufenbach arrive à ces images avec seulement des fragments de leurs utilisations antérieures intacts ou à sa disposition.

Paul

Paul

Taufenbach anime l'image, mais la construit de telle sorte que le contenu et l'objet coexistent dans une tension qui reflète l'assemblage qu'est la photographie. Ce faisant, ses images percent notre curiosité pour ce qui est à venir. Nous en sommes le reflet lorsque notre œil scintille en écho aux effets de l'image, en déplaçant dynamiquement son foyer, pour s'accommoder d'une image qui, dans notre rencontre, est toujours en mouvement. Et le livre construit à quatre mains avec Bastien Pourtout tentait de donner une autre dimension, livresque cette fois, au propos décadré/déconstruit et rendu en collages flashant. Soient 34 collages sortis de la coilection d’images vernaculaires de Sébastien Lifshitz. Première publication aux Éditions de L'Atiere autour des collages de la série SPECULAIRE [2018-2020]. 24 x 30 cm — 78 pages – Imprimé en N&B — Reluire à la française

Jean-Pierre Simard le 21/01/2021
Edouard Taufenbach - L’Image dans le miroir - éditions de l’Atiere 2019

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