Technodrome, la techno 90's made in fourth world de Motohiko Hamase
Après avoir été bassste de jazz au fil des 70’s au Japon, Motohiko Hamase a découvert et Jon Hasell et Jaco Pastorius. Il en a émis l’idée que la techno devenait le medium idéal pour composer et redéfinir sa musique. Ressortie commentée de son album de 1993, Technodrome, un vrai jalon musical nippon.
Après avoir découvrant Jaco Pastorius, le IV de Peter Gabriel et Flowers of Romance de Public Image Ltd. Motohiko sort en 1993, Technodrome, son disque le plus aventureux. Il avait choisi de travailler seul pour la première fois, espérant communiquer quelque chose qui venait du plus profond de lui-même; et cela lui a pris trois mois. Les rythmes pulsés et les répétitions de la techno sont la clé de l’album, conçu davantage pour toucher l'inconscient de l'auditeur que pour l'inciter à danser. Avec ses synthés obsédants, ses rythmes funk mécaniques implacables et ses basses troublantes, il ressemble à la bande son sinistre de la vie quotidienne dans les villes post-apocalyptiques en ruine. Un peu de l’esprit nippon de l’époque.
"C'est une expérience très agréable de jouer en direct avec d'autres musiciens tout en écoutant le jeu de chacun et en y réagissant, ce qui permet à la musique de porter ses fruits", déclare Hamase. "Mais un aspect de la contrainte musicale existe aussi dans la tradition du jazz. Je voulais explorer un nouveau point de rencontre avec l'improvisation. Ce que j'essayais de réaliser, c'était de formuler cette phase de poésie en une pièce musicale".
Avant de commencer à travailler sur l’album, Hamase avait conçu la chanson Lattice, dans l'intention d’une interprétation par un quartette de saxophones. Mais, à l’écoute d’artistes expérimentaux et ambiants comme John Cage, Brian Eno et Jon Hassell, il a changé de braquet en entendant comment le Nerve Net de Eno et le City : Works of Fiction de Jon Hassell avaient déconstruit la house music. Technodrome fut sa réponse, un album ambient troublant et décalé. Sur Invisible City, Hamase construit une boucle de basse bouillonnante qui palpite de façon robotisée, soutenue par des percussions légèrement tapantes et un orchestre d'accords de synthétiseur intermittents. Sur Chirico, Hamase utilise des cliquetis synthétiques qui ressemblent à des tuyaux d'égout battus pour créer un rythme dissonant et staccato sous la forme d'ondes de bruit blanc qui traversent la chanson, perturbées seulement par la trajectoire imprévisible de sa basse sans frettes. Lattice, pièce de saxophone déconcertante, clôt l’album, une fin inhabituellement organique avec une tentative de solo synthétique.
Pour ce faire, Hamase a enregistré l'album en utilisant une version primitive de Pro Tools sur un Macintosh FX, avec seulement huit canaux, et sans plug-ins. Il a joué de la guitare basse avec ou sans frettes et d'un synthétiseur Korg Wavestation, et a utilisé un Ensoniq DP/4 pour ajouter des effets à n'importe quelle piste. Le processus d'enregistrement est devenu une sorte de voyage intérieur, au cours duquel il a passé du temps à analyser la philosophie et les mécanismes de son processus créatif. Il imaginait son état d'esprit comme "un état de dépersonnalisation dans le contexte psychopathologique", semblable à une expérience hors du corps. "J'avais une idée où, si j'initiais un processus d'assemblage d'images que j'avais imaginé et qui aboutissait à la composition de pièces musicales, cela me permettrait d'être transporté dans un nouveau monde musical qui serait difficile à réaliser par un processus de collaboration", dit Hamase.
Dans le cadre de ce processus, je voulais explorer une nouvelle jonction de l'improvisation. Il a vu ce qu'il faisait à l'opposé de l'état d'esprit des critiques de jazz japonais de l'époque, qui pensaient que la magie musicale ne pouvait se produire que lorsque les musiciens jouaient ensemble. Sur ses notes de pochette originales, Hamase a déclaré que Technodrome remettait en question cette notion, écrivant qu'il voulait détruire l'idée archaïque selon laquelle l'improvisation signifie l'existence. L’album est également devenu un témoignage de la fascination de Hamase pour les rythmes et les basses intenses de la house. Il a utilisé les répétitions de courtes phrases afin d'exprimer une sensibilité sonore qui serait familière aux gens vivant dans les villes modernes. Et au final, on a la sensation de se promener dans des lieux aussi divers que Düsseldorf, Detroit, Tokyo ou Chicago… Un jalon, on vous le répète. Notre conseil du jour.
Jean-Pierre Simard le 30/06/2020
Motohiko Hamase - Technodrome - WRWTFWW Records