Mystery et les histoires de fantômes taïwanais de Mong Tong

A l’heure où le dirigeant fasciste de la Chine continentale fiche avec une banque génétique toute sa population, les deux frères de Mong Tong, Hom Yu et Jiun Chi jouent du paranormal en mélangeant jeux vidéo, doom metal, funk psychédélique et électronique. La recette du jour, c’est Mystery, à consommer sans délai.

La techno qui se revendique des jeux vidéo, on connait depuis Atari Teenage Riot ou encore avec les membres du Yello Magic orchestra. Mais, on n’avait pas encore connu de groupe asiatique se revendiquant d’autant d’influences simultanées, a fortiori taïwanais, qui mixe avec un remarquable à propos doom, funk psyché, séquences de jeux et d’émissions tv à l’électronique pour sortir un si bel osni ( objet sonore non identifié.) Explications par les concernés… 

Du paléolithique jusqu’à sa population du Gaoshan, en passant par les vagues successives d’immigration et de colonisation, Taïwan recèle de nombreux sédiments historiques, dont certains plutôt sombres. Ce pays insulaire est également incroyablement complexe en raison de son statut politique et de ses croyances sacrées. En visite au temple Longshan, situé dans la capitale, Taipei, on tombe sur une espèce de foire comme on en trouve dans les centres commerciaux pour se nourrir, mais où l’on peut obtenir des bénédictions divines de tout un éventail de divinités bouddhistes, taoïstes et populaires. Partant de là, le duo a construit son propos en y intégrant la modernité et ses avatars.

Bienvenue aux fantômes vengeurs ( constante du cinéma asiatique) avec nombre étranges spécimens. On retrouve beaucoup de cet univers sur Mystery, le nouvel album du duo, paru sur Guruguru Brain, le label de musique underground asiatique dirigé par le Japonais Kikagaku Moyo.

Ainsi , « La voix dans Chakra est celle d’un journaliste célèbre qui parlait des extraterrestres et des chakras dans l’hindouisme, révèle Mong Tong à propos du premier extrait de l’album. Grosso modo, c’est une chanson destinée aux amateurs d’émissions de télé sur les extraterrestres et de théories du complot ! »

A propos de Jou-tau : « Au début, nous avons échantillonné la voix off du film du Roi singe », explique Mong Tong en référence à la production taïwanaise Heavenly Legend de 1999, l’un des innombrables récits sur le demi-dieu simiesque Sun Wukong au cinéma, à la télé ou en bandes dessinées. « La chanson est composée de riffs d’orgue de Chi, d’improvisations à la guitare et d’une ligne de basse funky de Yu. »

Puis, il y a A Nambra, qui suggère que quelque part dans l’un des nombreux niveaux du Diyu (l’enfer chinois), il y a une piste de danse décente. « A Nambra est notre tube disco-funk ! Les lignes de basse funky des années 70 sont nos préférées, nous avons donc mis au point notre propre version du disco-funk. Nous avons ajouté les synthés pour voir ce que ça donnerait. »

In the K. Court, pour sa part, évoque subtilement une certaine formation prog-rock des années 70, dont la mention ravit Mong Tong.

La thématique générale de l’album vient des 90’s « À Taïwan dans les années 80 et 90, il y avait des magazines qui parlaient de fantômes, de taoïsme et d’OVNI, et publiaient des photos surnaturelles. Des décennies plus tard, ces thèmes ne sont plus populaires, la plupart de ces livres sont disparus et on ne peut en trouver que dans certaines librairies d’occasion. Nous avons passé beaucoup de temps à en chercher. Nous avons choisi quelques-unes de nos couvertures de livres préférées et les avons mises sur la page Instagram de Hom. »

La pochette de Mystery est un hommage à cet univers, et en elle-même une sorte de puzzle, un message secret codé à déchiffrer « Il y a une théorie du complot qui s’appelle Q33 NY, c’est tout ce que nous pouvons dire ! »

Le duo avoue que Mong Tong n’est qu’une des nombreuses activités obscures auxquelles ils se livrent au sein de la scène underground taïwanaise. Dope Purple est un groupe de noise et de rock psychédélique, confie Jiun à propos d’un de ses autres projets, principalement influencé par Acid Mothers Temple et Les Rallizes Dénudés. Nous avons sorti un disque sur Senko Issha, un label taïwanais pour les amateurs de noise et d’improvisation libre. Mong Tong a aussi collaboré avec des labels comme Future Proof et Karma Detonation Tapes. Tous deux comptent de grands artistes et publient des cassettes de bonne qualité.

Et au final, qu’est-ce arrive ensuite ? « Nous aimerions expérimenter avec n’importe quelle forme d’art ! En fait, nous faisons tout nous-mêmes, ce qui nous permet de mettre des éléments taïwanais que nous aimons dans notre musique, nos vidéos, nos pochettes, etc. Nous prévoyons sortir un deuxième Taiwan Mystery, un mini-album pour les plantes, et peut-être même, un jeu vidéo. Tout est possible! »

Et cette bizarre étrangeté est notre disque du jour qui tourne, tourne, tourne encore… Fantômes à venir, soyez les bienvenus. Est-ce vraiment un hasard si la pochette ressemble à celle d’un album d’Orbital ?

Jean-Pierre Simard le 22/06/2020
Mong Tong - Mystery - Guruguru Brain

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