Bitch Slap, panoramique sur la scène techno trans black new-yorkaise de Jasmine Infiniti

Se définissant comme la reine de l'enfer, Jasmine Infiniti décrit sa musique comme prendre l'enfer et s'amuser avec lui. Elle ajoute qu’elle part de sa propre expérience de femme noire trans vécue comme un enfer. Le résultat est contenu dans ce Bxtch Släp, tout sauf dérisoire.

Ses DJ sets, en solo ou avec son équipe de New World Dysorder, sont souvent punitifs, mélangeant la techno avec le son ballroom, le hardstyle et le bavardage. Il serait facile de la cataloguer comme arbitre de tout ce qui sonne dark, mais ce serait oublier la partie "s'amuser". Infiniti incarne la jeune scène techno noire de New York, une scène où les époques, les styles et les genres sont mélangés dans un mix irrévérencieux de peur et de joie. La musique d'Infiniti en particulier, avec ses grosses caisses aux pointes d'acier et ses synthés anti-panique, rappelle la techno du début des années 90 à Detroit, à l'époque où la vitesse et la force ne sonnaient pas nécessairement macho. Bxtch Släp, son premier album, nous ramène à cette glorieuse époque avec une touche XXIe siècle, qui ravive autant le potentiel euphorique que les côtés sombres qui l’ont vue naître ( remember Detroit ville morte. )

La plupart des morceaux de l’album jouent sur des voix aiguës, des mélodies nerveuses et une atmosphère qu’on dira…  gothique. Mais il y a un côté étourdissant dans la façon dont Infiniti programme ses batteries : d’un côté le bounce alerte de Well Fair" versus les cymbales de Ghettro, qui donnent l'impression de faire des sauts périlleux sur la grosse caisse. Et, ce n’est pas tout.

L'ouverture de l’album est une techno breakbeat bondissante qui semble avoir été taillée dans un morceau de batterie et de basse. Bxtch Släp est aussi agressif qu'il est ornementé ( de thèmes, de motifs et de registres musicaux divers). L'arpège glacé du synthétiseur sur Hott est carrément joli. Downhill a un motif principal de synthétiseur en mouvement qui sonne comme un orchestre qui s'accorde. Infiniti peut passer de Robert Hood à Gas dans le même morceau, un autre versant de sa dualité qui fait la richesse de la musique. Tout comme le personnage de la fougueuse Queen Of Hell n'encapsule pas tout l'art de Jasmine Infiniti, ses morceaux ne racontent pas non plus toute son histoire. D jette, elle est une vraie force de la nature ; voir le Boiler Mix plus haut.. Comme Terre Thaemlitz, elle reconnaît que le club peut être aussi bien un piège qu’une promesse non tenue mais, des fois, prendre le chemin d'une évasion de la réalité. Nous, on ne choisit pas, on prend carrément tout, car on adore la vérité que dégage Bxtch Släp. Et, surtout ses coins sombres !

Jean-Pierre Simard le 23/04/2020
Jasmine Infiniti - Bxtch Släp - New World Dysorder