Vertige jusqu'au fou-rire avec Erwin Wurm à la M.E.P.
Une femme en minijupe qui urine debout, dans un salon, au milieu de convives qui ne voient rien ; des séries qui délirent en détail ou encore un homme qui plonge sa tête dans le décolleté d’une femme au beau milieu d’un restaurant… C‘est Erwin Wurm, et vous avez jusqu’à la fin de semaine à la M.E.P. pour voir la rétrospective.
Né en 1954 à Bruck en Autriche et formé à la Kunstakademie de Vienne, Erwin Wurm s'inspire autant de Fluxus que de Dada pour dénoncer, avec une légèreté mêlée de gravité, un quotidien illusoire et l'incongruité de nos existences. Dès ses tout premiers travaux, l'artiste semblait vouloir se signaler par son absence avec ses pièces de poussière réduites à une simple empreinte ou ses vêtements accrochés, vides et fragiles enveloppes corporelles. Sculpteur à l'origine, il s'inspire, dans ses dessins, photographies et vidéos, de nos rapports avec les objets usuels dont il détourne l'usage. Attentif aux petits gestes et à l'absurdité du quotidien, le travail de Wurm développe une analyse de la sculpture - de son volume, de son poids, de l'équilibre, du déséquilibre - qui devient pour lui manière de vivre, de mettre en scène, de perturber nos codes et nos habitudes. Avec ses célèbres One Minute Sculptures (1997), Wurm nous propose une vision originale de la sculpture dans laquelle des actions humaines habituelles sont modifiées, décalées, ou détournées pour un bref instant. Il faut dire que passant le concours de la Kunstakademie de Vienne, il voulait devenir peintre, mais qu’on l’a choisi en sculpture. Comme il n’avait pas un kopek, il a décidé d’utiliser la photographie pour faire de la sculpture. Et cela l’amené assez loin dans la formulation de ses idées.
Réunissant quelque 200 tirages réalisés depuis les années 1980 sur les deux principaux étages de la MEP, cette exposition majeure – la première du genre organisée à Paris depuis plus de 15 années – présente planches contact originales, tirages et études provenant des archives personnelles de l’artiste, qui n’ont pour la plupart encore jamais été présentées au public. Parmi les œuvres exposées, des travaux inédits réalisés spécialement pour cette exposition, à partir de ses photos d'archives. Cette exposition dévoile le rôle unique joué par le médium photo dans l'œuvre d'Erwin Wurm, explorant son processus de création et sa manière d’envisager la photographie comme une forme d’expression “sculpturale”. L’artiste désigne d’ailleurs ces œuvres sous le nom de “sculptures photographiques”.
Wurm détourne, une fois encore avec humour, des objets stéréotypés et joue avec les codes de la sculpture. Il travaille à un élargissement de cette notion, la confrontant à d’autres médiums et interrogeant le volume par delà les formes. Ses sculptures, actions et vidéos résultent de la collusion inattendue de plusieurs images ou idées et révèlent un regard espiègle et cynique sur notre société. Il travaille à la destruction de la forme, la déformant jusqu’à l’obésité ou l’anorexie, la couvrant de ridicules pullovers ou, plus récemment, la faisant littéralement fondre, comme avec sa Fat House parlante.
Modifier la relation à l’espace, au volume, à la densité et à la masse par la sculpture et avec la photographie et même la vidéo comme témoignage donne des résultats toujours décalés, le commun de la vraisemblance ou le réel manifeste s’y prennent de drôles de baffes et de sacrés coup de pied au postérieur. Eclat de rire assuré, même si c’est le parcours qui fait sens avant de révéler les facettes de l’œuvre et vous laisser des souvenirs impérissables. Let’s Go !
Jean-Pierre Simard le 20/10/2020
Erwin Wurm - Photographs - 25/10/2020
M.E.P. 5/7 Rue de Fourcy - 75004 Paris