Plaid à la découverte des polymères sonores

Pour leur dixième parution chez WARP, Plaid a décidé de jouer encore la carte de l’émotion et des textures sur Polymer, un album qui alterne énergie furieuse, rythmes mélodiques viscéraux et brillants, et des textures hypnotiques pour en faire un objet très abouti et unifié.

Ed Handley et Andy Turner, en vrais  co-inventeurs de l’intelligent techno avec l’écurie WARP des débuts ont repoussé très loin les frontières de la musique électronique sous le nom de Plaid, depuis la fin du trio avec Ken Downie, The Black Dog au début des années 1990 (écoutez Spanners… )  

Leur approche aventureuse de la production les a vu collaborer plusieurs fois avec  Björk et comparer à Mark Bell, Arca, Haxan Cloak, voire Skee Mask et Daniel Avery. Ils ont aussi travaillé avec le London Sinfonietta, les Southbank Gamelan Players, composé pour les sculptures robotiques de Felix’s Machines, et composé des bandes originales pour différents événements, comme la migration des rennes dans le Nord de l’Europe, ou un niveau du jeu de plateforme Little Big Planet 3. En live, ils proposent des shows aussi bien pour des clubs que pour des salles de concerts, et se sont produits à l’opéra de Sydney, à Southbank, ou encore au club Berghain de Berlin. On les a dernièrement vus à Paris , le mois dernier au festival Inasound où ils interprétaient des titres de cet album dans une configuration acoustique particulière qui délivrait un son prodigieux.

La création de Polymer s’est appuyée sur le manifeste Polyphony, Pollution and Politics, duquel ils ont développé les thèmes de l’environnement, du synthétique, de la survie, de la mortalité et des (dé)connexions de l’humanité.

 « Les problèmes et les thématiques abordés dans Polymer nous paraissaient parfaits pour l’album, leurs constantes force, endurance et persistance inquiétante, le naturel contre le synthétique, la soie et la silicone, les effets énormes qu’ils ont sur nos vies. »

Le grincement mécanique qui ouvre « Meds Fade » traduit l’atténuation des effets des médicaments et la lucidité émergente des recoins gris de la réalité. Avec la tension techno de « Maru », on peut ressentir l’ultime et épuisant effort pour atteindre un but.

« Dancers » est une bénédiction euphorique : une ode au mouvement libre, inspirée par la contemplation de pluies de météores, de la Voie lactée dans un ciel noir et dégagé, avec des gens qui dansent dans le public. Des bribes de voix donnent une dimension humaine, quoique déformée par des machines : « Ops » offre un refrain sans mots en boucle aux échos synthétiques sur des rythmes D&B.

« Drowned Sea » a été directement inspiré par des déchets en plastique vieux de plusieurs décennies trouvés sur la côte, et des lectures portant sur la place des microplastiques dans la chaîne alimentaire. Telles des particules de plastique, Plaid distillent des sons via des synthés granuleux, réduisant la masse sans parvenir à la détruire complètement. Le dernier titre, « Praze », un mot ancien qui signifie « prairie », fait allusion à la disparition des champs de fleurs sauvages en Grande-Bretagne.

"Nous n’avons pas essayé de capturer un esprit particulier en concevant l’album. Mais il s’est avéré qu’au final il sonnait très dark. Cela a sûrement à voir avec le climat politique du moment qui rend les gens cinglés et aussi avec les enjeux mondiaux environnementaux actuels. Je pense que les choses qui se passent actuellement en Angleterre sont plus que regrettables et que l’album le reflète assez bien. La situation a dégénéré ces derniers temps et le son le manifeste …”   déclarait dernièrement Ed Turner au magazine Exclaim!

Alors, comme souvent avec eux, chaudement recommandé… 

Jean-Pierre Simard le 7/05/19

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