La Storia s'affiche jusqu'au 12/07/19 à la Maison des Sciences de l'Homme à St-Denis
L’exposition “Comment le monde m’affecte et comment j’affecte le monde ?” est issue du groupe de recherche-création-formation laStoria kollektiv automedialité qui vise à l’exploration de la notion d’« automédialité » en tant que voie signifiante de médiation, d’invention, de mise en figures de soi par l’expérience de création.
La notion d’automédialité appelle à reconnaître la spécificité et la dimension constitutive du médium dans les processus de subjectivation et de biographisation, en prenant en compte l’interaction du médium, de la réflexion subjective et du travail sur soi dans des pratiques artistiques.
Dans cette exposition, le groupe interroge les processus automédiaux selon lesquels peut se constituer notre exister comme présence et rapport au monde, en y reconnaissant un double mouvement d’affectation : « Comment le monde m’affecte et comment j’affecte le monde ». Concernant le medium iconique, le geste de l’automédialité est une performance réalisée dans les espaces du sensible de l’image. Opérant un travail sur les formes du visible, il « met à jour » les choses et les êtres, produisant pour le créateur et pour le regardeur des effets biographiques de connaissance et de savoir, de pensée et d’émotion, de mémoire et de réflexion sur une histoire personnelle et/ou collective.
Une première exposition collective de ce groupe à eu lieu au printemps de l’année dernière à la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord, accompagnant le symposium « Arts de l’image, automédialité et fabrique de soi » (6 avril 2018), une deuxième exposition présentant l’avancée de la recherche-création a eu lieu au Vent se lève ! Lieu d’art et de culture (21 avril 2019) et une prochaine exposition collective est prévue en octobre 2019 lors du Colloque International de recherche biographique en éducation qui aura lieu à nouveau à la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord, les 16-17-18 octobre 2019.
Christine Delory-Momberger est anthropologue de l’éducation (Paris 13 Sorbonne Paris Cité), photographe (agence révélateur/femmesPHOTOgraphes) et fondatrice de laStoria kollektiv automédialité. À travers des images de sa série photographique en s’enfonçant dans la forêt, elle donne à voir la force, la fragilité et la fugacité des souvenirs qui se glissent, émergent, disparaissent, tour à tour présents dans une puissance d’évocation, vacillants dans leur passage incertain ou tapis dans les zones obscures de la mémoire. Ils viennent et vont, s’accrochant à des couleurs, des lumières d’un jour, des visages dont les contours se floutent au fil du temps, des sensations qui affleurent dans une remontée soudaine d’émotions. Ce sont des tracés au sable sur la surface soufflée de ma mémoire qui dessinent des lignes s’estompant avec le passage des lendemains.
Vanessa Buhrig est photographe, « Infinite Diary » est le journal d’un voyage réel devenu imaginaire. Des paysages désertiques, des vagues décharnées, un vent lancinant, des nuages vaporeux, des silhouettes enveloppées de brume, des pas perdus, l’envol silencieux d’un oiseau, un cairn oublié... Autant d’images que de fugaces sensations de souvenirs déjà vécus, autant d’images que de petites lucarnes sur un périple onirique intemporel. Plonger dans les archives devient alors l’occasion de repartir sur la route, se perdre, et tout recommencer à zéro. Une infinie possibilité d’ailleurs, jusqu’à épuisement.
Alejandro Erbettta est photographe, docteur en Esthétique, pratique et histoires des arts, Université Paris 8-Saint Denis. Son projet « Mansion Séré /enfance et dictature » est un travail en cours proposant une relecture d’une période heureuse de son enfance en Argentine pendant une période de dictature (1976-1983) à proximité d’une grande maison qui servait de centre clandestin de détention : la Maison Séré, et d’une base militaire : VII Brigada Aerea de Moron ; qui est en même temps une des plus obscures de l’histoire de l’Argentine. À travers l’utilisation du montage et de l’association d’images, c’est un récit elliptique qui se forme où vie et mort, innocence et cruauté, bonheur et douleur s’articulent ici dans la mise en parallèle de la mémoire collective et de la mémoire individuelle.
Laure Pubert est photographe (agence révélateur, femmesPHOTOgraphes), Cécile Offroy est sociologue (Paris 13 Sorbonne Paris Cité) et Jean-Marc Oberti est vidéaste. « Percées. Voyages immobiles sur les traces de l’ancien asile de Ville-Evrard » est la restitution d’une recherche-création en cours, conduite par Cécile Offroy, sociologue, Laure Pubert, photographe et Jean-Marc Oberti, constructeur et vidéaste avec un petit groupe de patients et de professionnels, en quête de l’activité – passée, présente – de l’ancien asile de Ville-Evrard, destiné à devenir prochainement un quartier d’habitation de la ville de Neuilly- sur-Marne (93).
Travail soignant et hospitalier, bien sûr, mais aussi travail agricole et ouvrier des patients, de leurs corps en jeu, rouages d’une organisation autarcique et communautaire. Il ne s’agit pas de documenter la transformation des lieux, ni de chercher à reconstituer une histoire objective de leurs usages, mais de se laisser guider par les rencontres et les « arts de faire », saisir par les récits, imprégner par les lieux, dont certains, tels les ateliers ou les dortoirs de la ferme, figés dans le temps, semblent avoir été abandonnés hier. Nous ne sommes plus seulement les spectateurs d’une mémoire en cours d’apparition, mais des acteurs, témoins et auteurs, d’une perception de la disparition.
Dominique Mérigard est photographe, il présente « Le bruit et la stupeur. À S-21 lieu de mémoire du génocide cambodgien » Vingt-quatre ans après avoir visité et photographié pour la première fois S-21, cette terrible prison khmère rouge transformée en Musée du génocide cambodgien à Phnom Penh, Dominique Mérigard retourne en janvier 2018, dans ce lieu si chargé en émotions. Presque 14 000 hommes, femmes et enfants y seront exécutés. Cette émotion originelle a donné lieu à une exposition et à la publication d’un livre, Témoin S-21, aux éditions Le Bec en l’air, en 2008. Y revenir une nouvelle fois fut comme gratter une cicatrice et raviver une douleur jamais oubliée. Il y découvre une petite salle nouvellement aménagée avec un simple paper-board offert aux visiteurs pour qu’ils puissent déposer quelques mots. Les mots comme l’émotion ont débordé du cadre qui leur était réservé, remplissant tout l’espace, des murs au plafond, et créant, malgré le silence, une sensation de brouhaha inouïe.
Dominique Mérigard retrouve dans les yeux des visiteurs le trouble et la sidération qui furent et sont toujours les siens. Il a alors voulu saisir cette sorte de stupeur qui fige leur regard, pèse sur leur corps tout entier. Il a cherché à comprendre ce qui, en ce lieu, à l’encontre de tout ce qui nous différencie, parvient à nous unir. Comme un exutoire au choc provoqué par la visite, les inscriptions sont une façon de marquer son passage en ce lieu. Et les murs pareils à ceux des réseaux sociaux permettent de réagir, d’afficher ses sentiments de manière impulsive. L’extraordinaire bruit des murs. On ressent dans cette pièce toute une humanité qui demanderait pardon aux personnes exécutées par les Khmers rouges, mais aussi à tous ceux qui, de nos jours, sont encore victimes d’oppression.
Christine Delory-Momberger, curatrice de l’expo.
LaStoria kollektiv automédialité présente Comment le monde m’affecte et comment j’affecte le monde ? -> 12/07/19 Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord - 20, avenue George Sand. 93210-Saint Denis