John Coltrane : the Wise One, une bio remarquable de Nicolas Fily

Avec sa bio-discographie d’un des plus grands innovateurs du jazz, Nicolas Fily fait fort en soulignant l’évolution de John Coltrane quasiment au jour le jour. Et ses pointilleuses analyses du pourquoi et du comment du son coltranien en font d’entrée un incontournable de toute bibliothèque jazz et, mieux encore, une enquête palpitante.

Les rencontres, c'est le trait principal du début de carrière de John Coltrane. Il a besoin de se nourrir de plein d'expériences donc il rencontre beaucoup de gens, beaucoup d'univers vraiment différents. Ce n'est pas un musicien comme certains qui ont un don de naissance qui fait d'eux des génies. Lui, il avait besoin d'apprendre, de travailler. C'était un acharné de travail.  (Nicolas Fily)

Comment ne pas user de superlatifs, eu égard au fait que le saxophoniste représente à la fois pour l’histoire de la musique et la mise en sons de l’émergence de la conscience noire américaine des 60’s ? Qu’on tente de l’aborder par le biais de sa propre histoire, par ses rencontres, par le son qu’il génère ou sa constante quête musicale mystique au sens d’une approche globale du divin, Coltrane intrigue, passionne, convainc et terrasse tout sur son passage en accumulant performances et vrai succès public, à l’instar de Miles Davis qui l’a accouché comme soliste au sein de son quintette de la fin des années 50, avec une certaine qualité de bleu appréciable.

La vraie révolution, dans un premier temps, c'est quand il joue avec Miles Davis. Forcément, quand Miles Davis a confiance en vous, ça vous transperce. ( (Nicolas Fily)

Equinox

L’homme aux cent disques (ou presque/et quelques à venir) né à Hamlet en Caroline du nord, en 1926, trouve très vite que la musique est son truc et, travailleur acharné, va passer sa vie à devenir un souffleur hors pair et un théoricien de la musique et du son qu’il poussera aux frontières du free en 1964 pour jouer jusqu’à sa mort en juillet 67 au-delà des frontières du son connu dans le cosmos - sa vraie place. Emérite boppeur, il va errer jusqu’à sa rencontre avec Miles, qui le poussera à enregistrer solo et empiler quelques chefs-d’œuvre qui feront de lui un incontournable du jazz et de la musique populaire, jusqu’à son passage au free qui en déroutera plus d’un, en lui ouvrant un nouveau public et faisant de lui la conscience d’un mouvement de libération conscient de ses ouvertures - et de sa valeur sociale et culturelle; un vrai point de repère des 60’s englobant mystique et musique, constante évolution et remises en question chaque carrefour. Un géant  (à pas de…)

Sheets of Sound explained

Avec Miles Davis, il trouvera son mode d’improvisation, qu’il peaufinera avec Thelonious Monk (traquez les live !), puis il sortira du jazz modal pour arriver au free en changeant sa formation et ses accompagnateurs : Mc Coy Tyner, Jimmy Garrison et Elvin Jones, avec et sans Eric Dolphy, pour intégrer Rashied Ali, sa nouvelle compagne Alice Coltrane et toute une théorie de souffleurs passant par Archie Shepp et Pharoah Sanders. Ses enregistrements pléthoriques pour de nombreux labels qui sortiront au fil du temps ne permettront pas, dans un premier temps, de cerner de manière synchrone son évolution, et ces batailles de sorties d’album par labels interposés lui aliéneront malheureusement une partie de son public, plus apte à écouter John Coltrane plays the Blues que le fabuleux Impressions sans en avoir les clés. Et pourtant… India avec le merveilleux Dolphy à la clarinette basse ne fait que préfigurer les avancées le son des 50 dernières années qui passera par des ouvertures tout azimut du jazz classique au free jusqu’au boutiste de Sun Ship et le détour hippie de Om.

India

Incroyable personnage, on ouvrira à sa mort une église dédiée à son culte à San Francisco. Mais ça, c’est après car, avant, il vous reste à parcourir avec Nicolas Fily, la mise en route, le vécu et la persistance de l’œuvre d’un génie tranquille et d’un homme remarquable : John Coltrane. A Love Supreme !

Jean-Pierre Simard le 25/04/19

John Coltrane : The Wise One de Nicolas Fily, éditions Le Mot et le reste