Liv Stromquist & le sexe féminin

L'Origine du Monde est un chef d'oeuvre ! Et pas seulement parce qu'il reprend le titre du tableau le plus censuré depuis toujours, mais bien  parce qu’il donne à voir (et grandement à lire), dans l'écart de ses pages, une histoire du sexe de la femme stigmatisé, interdit, menti , puis mutilé au sens propre comme au figuré.

L'Origine du Monde est un chef d'oeuvre ! Et pas seulement parce qu'il reprend le titre du tableau le plus censuré depuis toujours, mais bien  parce qu’il donne à voir (et grandement à lire), dans l'écart de ses pages, une histoire du sexe de la femme stigmatisé, interdit, menti , puis mutilé au sens propre comme au figuré.

Car elle révèle que la vulve (le nom jamais prononcé, toujours évincé, toujours ignoré) fut l’objet de toutes les attentions afin de l’annihiler. Pas de vulve, pas de clitoris et donc, un organe réduit à sa plus simple « expression » et « fonction », celle de la reproduction. Tout cela à travers des décisions prises uniquement par des hommes.

On passe de l’étonnement à la colère, devant tant d’aberrations ! On sent Liv Stromquist en colère, elle aussi. Une saine colère, mais une colère drôle aussi. Son dessin donne à voir sous un trait simple, jamais simpliste, une évidence de l’histoire qui à toujours empêché l’émancipation de la femme au profit du patriarcat.

Lire que l’entière découverte du clitoris date seulement de 1998 fait prendre conscience de l’océan d’ignorance qui couvre le sujet depuis des lustres. Savoir qu’il n’y a toujours pas, à ce jour, de manuel scolaire à l’intérieur duquel le clitoris est représenté (un seul cette année en France, mais pas du tout généralisé - et encore faudrait-il qu’il soit commandé par le ministère et disponible dans tous les collèges), clairement défini, nous fait constater que les droits des femmes sont très loin d’être acquis.

Le livre permet de rire beaucoup, Liv use de l’humour de répétition et il fonctionne plutôt bien. Elle se représente aussi comme conteuse. Elle ne se ménage pas et ses apparitions sont toujours à la hauteur de sa réthorique.

Le livre se dévore rapidement, son rythme frénétique et la curiosité qu’il engendre nous accapare. Toutes les jeunes filles, les jeunes garçons devraient lire L’Origine du Monde. L’égalité, le respect et la question du genre y trouvent un écho intelligent.

Son nouveau titre I’m every woman directement tiré de la chanson de Chaka Khan, creuse le même sillon, mais avec un angle pop. Elle décrit des anecdotes réelles entre couples célèbres. Les pires petits amis du monde recensent ces peintres, ces hommes politiques, ces artistes qui dans leurs actes au quotidien, humilient, empêchent l’émancipation et soulignent l’infériorité des femmes. De Britney Spears, à la femme de Munch en passant par la grande prostituée de l’apocalypse chevauchant la bête à 7 têtes et 10 cornes, tout montre comment l’homme, ce patriarche peureux et indélicat, cache et manipule pour ne jamais laisser la place aux femmes.

Le mâle est mal dans les bd de Liv Stromquist et il le mérite.

L’Origine du Monde et I’m Every Woman sont des objets dessinés bien délirant et parfaitement didactiques concernant cette histoire cachée qui ferait de nous tou.te.s des féministes assumées !

Liv Stromquist est drôle, et il faut vous précipiter sur ces deux ouvrages et les offrir, et les faire lire, les partager, les prêter, les donner, les laisser par inadvertance sur la table basse, les oublier dans le train, puis les relire, ce que je vais faire de ce pas. Se replonger dans L’Origine du Monde, sans aucune censure, c’est une chance par les temps qui courent !

Richard Maniere le 4/06/2018

L'Origine du Monde & I'm every Woman, Liv Stromquist, éditions Rackham.