De quoi je me mail ? L'interview surprise d'Halo Maud

Maud Nadal aurait pu être chanteuse chrétienne - mais ça ne l'a pas fait pour elle… Avec un père pasteur et une mère anti-religion, elle a baigné dans la musique dès l'enfance, dans une famille qui en jouait tout entière. Elle joue psyché, mais trouve le terme galvaudé, la dream-pop lui sied car elle attaque fort dans l'intime (pas mité) qui circule à base d’attentes, d’espoirs, de nostalgie, de souvenirs et du pouvoir de soi féministe. Rencontre entre les lignes du mail…  

Fais-moi une surprise que je sois surprise. Tout le monde aspire à ça. Attends-moi en bas, remets-toi d'aplomb. Tout le monde cicatrise.  Offre-moi une boîte, tes secrets efforts… Offre-moi tes doigts, un peu d'amour propre… (Surprise /Halo Maud) 

A quel âge as-tu commencé l'apprentissage d'un instrument et lequel? 

Maud : Je crois que je devais avoir 9-10 ans et c'était l'alto. Mais je jouais déjà un peu de piano, sans prendre de cours, juste parce que tout le monde en fait de façon autodidacte dans ma famille. Je me souviens jouer des morceaux boogie-woogie.

As-tu commencé par chanter ou par jouer ?

Maud : Je jouais du boogie-woogie et je chantais des chants religieux.

Quand as-tu décidé de devenir musicienne pro - et pourquoi ? 

Maud : Je crois que je l'ai fait sans me poser la question; j'imagine que j'ai eu besoin de trouver une façon de m'exprimer, que c'est passé par la musique, et qu'il se trouve que je n'ai jamais arrêté d'en faire. Les choses se sont enchainées naturellement. Je ne me suis jamais demandé pourquoi, ou ce que je ferais si je n'étais pas musicienne par exemple.

Quelle importance le psychédélisme pour toi - qui reprend les Electric Prunes sur scène ? 

Maud : J'ai l'impression que ce terme a été un peu galvaudé ces derniers temps, et je suis même incapable de le définir moi-même. A l'origine le psychédélisme est directement lié aux psychotropes, et dans ce sens là j'ai parfois du mal à me sentir concernée. Et puis je n'ai commencé à écouter de la musique dite psychédélique qu'assez récemment. Ceci dit, j'écris des morceaux introspectifs, que j'aime à garder hors du temps et donc de la réalité. 

Qu'est-ce qui t'a amené à l'écriture ? 

Maud : Le besoin de m'exprimer bien sûr mais, encore une fois, je ne me le suis jamais vraiment demandé.

Quels sont influences/modèles revendiqués ? 

Maud : Je n'ai pas de modèle revendiqué, mais Il y a beaucoup d'artistes qui m'inspirent bien sûr, et qui ne sont pas que des musiciens d'ailleurs. En tous cas, il y a évidemment les historiques, que je n'écoute plus forcément beaucoup, mais qui m'ont construite: Blonde Redhead, PJ Harvey, Radiohead. En terme d'écriture, je pense à Gainsbourg, à Brigitte Fontaine, à Françoiz Breut. Mais j'écoute beaucoup d'autres choses, et ça va de la musique brésilienne à Deerhoof, à Fred Frith, en passant par Pusha T.

Et comment  te démarques-tu par rapport à eux, d'après toi ? 

Maud : Je me sens mal placée pour répondre à cette question.

C'est comment d'être une femme en 2018 sur la scène musicale ? 

Maud : C'est exactement comme d'être une femme en 2018.

Tu fonctionnes en bande depuis des années, avec des proches avec lesquels tu joues souvent et que tu accompagnes Melody's Echo Chamber, Moodoïd, etc. - te rendent-ils la pareille sur ton album ? 

Maud : J'ai invité Pablo Padovani à chanter sur Chanceuse, oui. Et Mélody a été pour moi d'un immense soutien dans les moments de doute ou de découragement. Quasiment tous les artistes avec qui j'ai collaboré sont devenus autant des amis que des gens avec qui j'aime faire de la musique. J'ai du mal à séparer les deux.

Qu'est-ce qui t'a amené à te lancer solo cette fois ? une envie, une question de timing, de feeling ? 

Maud : J'ai commencé à écrire des chansons bien avant de jouer dans d'autres groupes; j'ai même fait plusieurs tentatives, j'ai publié des EP sous différents noms. Mais il m'a fallu beaucoup de temps pour être complètement satisfaite de ce que je créais, pour arriver à quelque chose qui me ressemblait vraiment. C'est ensuite La Souterraine qui m'a donné le dernier petit élan dont j'avais besoin, pour publier mes nouveaux morceaux sous le nom de Halo Maud.

Tu mêles aujourd'hui psyché et approche électro, on y entend Björk ( une influence?), et en même temps, une bonne connaissance de la chanson d'ici (hello Camille!) - quels sont tes repères sur cette scène  depuis 20 ans ? 

Maud : Si tu parles de la scène française, je n'ai justement pas beaucoup de repère, et encore moins depuis 20 ans, mais je reciterai Françoiz Breut, et puis Dominique A; ils y sont pour beaucoup dans mon passage de l'anglais au français. 

Etre indé, ça tient du parti-pris ou bien ? 

Maud : Ca dépend de ce qu'on entend par indé, mais travailler avec des gens qui me font confiance et qui ne m'imposent aucun formatage, oui c'est un parti pris.

Tu écris pour d'autres gens … ils viennent te chercher ou c'est toi qui proposes ? 

Maud : Je n'ai pour l'instant écrit que pour deux artistes: il y a eu Christophe, à qui j'ai osé proposer des textes parce que sa voix m'avait beaucoup inspirée. Dans le cas de Pi Ja Ma, les morceaux existaient déjà avant qu'elle ne les interprète, ça faisait partie d'un petit répertoire de chansons sur lesquelles je travaillais avec Axel Concato.

Cela fait quoi, de réaliser, produire, composer, écrire, chanter et jouer d'un seul tenant ? L'as-tu fait parce que personne ne te l'a proposé - ou c'est un mouvement naturel chez toi ? 

Maud : Il n'y a en fait que comme ça que j'envisage de faire des disques, en tout cas pour l'instant, parce que c'est tout ce que j'aime faire, écrire, composer, produire, jouer, arranger etc. Ceci dit je n'ai absolument pas fait ce premier album toute seule du début à la fin; en partant de mes démos, je l'ai coproduit avec Robin Leduc, et il y a beaucoup de musiciens qui sont intervenus. Les musiciens qui m'accompagnent sur scène pour commencer, Olivier Marguerit, Stéphane Bellity, Vincent Mougel. J'ai invité aussi Benjamin Glibert et Julien Gasc d'Aquaserge, Axel Concato toujours, Lucie Antunes, Jean Thévenin.

Chez Ground Zero pour la sortie de ton album, il y avait une belle brochette de la scène indépendante d'ici, de qui te sens-tu le plus proche - et pourquoi  ? 

Maud :  ?

Tu catalyses un felling contemporain subtil et distancié et en même temps qui parle de désir, de féminité, de sensualité, - et qui parle au présent - c'est là ton principal avantage dans ta façon de t'exprimer. C'est carrément loin de l'expression de la chanson française habituelle - comment en es-tu arrivée là ? 

Maud : J'imagine que j'en suis arrivée là en écoutant très peu de chanson française justement. Je n'avais pas vraiment de repère quand j'ai commencé à écrire et à chanter en français, donc je me suis lancée assez naïvement, en me laissant surprendre. J'ai découvert le plaisir de passer des heures parfois à chercher le mot juste.

Tu repars de canons d'expression qui ont fondé la new wave française après le punk, de Jacno à Mathématiques Modernes, en passant par Daho avec Turboust, tu l'assumes ? 

Maud : Difficile à dire, je ne sais pas vraiment ce que c'est que la new wave française.

Comment définirais-tu ta voix : plutôt post ado à balancer un désir mesuré ? adulte révélatrice d'une attitude volontaire face à la vie qui s'assume et la partage ? Rien à foutre, c'est quoi cette question ?

Maud : Il y a certainement un reste d'enfance dans ma voix. Et je ne suis en tous cas pas en total contrôle dessus. J'aime qu'elle me surprenne et la pousser dans ses limites aussi.

Propos Recueillis par Jean-Pierre Simard
Halo Maud - Je Suis Une île - Heavenly Recordings