Avec Dirty Computer, Janelle Monáe fait un beau coming out

En affirmant sa pansexualité, Janelle Monáe a frappé fort. Et son nouveau Dirty Computer d'album qui convoque aussi bien Brian Wilson que Pharrell Williams, Grimes et Zoe Kravitz est un bel effort de soul moderne grand public, aussi conscious que dansant. Bingo ! 

En ne se laissant jamais dominer par ses collaborateurs, la star de Kansas City se montre à l'égal des figures convoquées, même si l'absence de son modèle Prince se fait sentir quand bien même on sent sur Make me Feel, que la guitare de Kiss n'est jamais loin. Dansant et accessible, plein de point de vues et surtout avec pas moins de quatre tubes en puissance… Nul doute que les stars US vont faire la queue devant sa porte pour prier une petite collaboration, juste au cas où…

Depuis ses débuts, la surdouée Janelle Monáe avait évité toute question ayant trait à son orientation sexuelle, vu l'ambiguïté projetée par son personnage public. «I date androids», répondait-elle machinalement aux médias qui lui manifestaient cette curiosité jugée probablement intrusive. L'artiste faisait bien sûr référence à la dramaturgie afro-futuriste ayant marqué ses débuts mémorables; elle incarnait alors un personnage de synthèse à l'oeuvre dans un univers dystopique que continue aujourd'hui sa participation au carton de Black Panther.  

Largement diffusées sur le web, des interviews récentes données par l'artiste dévoilent son identité: africaine, américaine, féministe, «pansexuelle», c'est-à-dire que son attirance physique ou romantique pour d'autres humains n'exclut aucun sexe biologique, genre ou orientation sexuelle. Queer, en quelque sorte. Est-il besoin d'ajouter que le thème de cette assomption rejaillit dans l'album Dirty Computer, sorti cinq ans après le précédent, The Electric Lady. Indirectement ou directement, les chansons au programme de cet album évoquent cette pansexualité, mais abordent aussi les questions du sexisme, du racisme, des drogues récréatives, d'une existence à la fois «folle et classique», de la transgression des règles. Diffraction autobiographique, posture critique, aspirations romantiques... Janelle Monáe Robinson accepte sa propre complexité, se révèle davantage, sans forcer la note. Et, en fait, ces révélations l'emportent sur le wow musical que génère son nouvel opus. 

Moins aventureuse qu'avec The Electric Lady, elle zigzague entre pop FM, électro-afropop, soul, électro-funk des années 80, emprunts directs à Prince, avec qui elle aurait travaillé de près s'il n'avait pas abusé de fentanyl afin d'apaiser ses douleurs. Cet enchaînement rétro n'est-il pas l'illustration d'un classicisme certain - à savoir un retour glissé par l'oreille du label - pour faire un aussi tumultueux que bénéfique retour en haut des charts ? 

D'un côté, on dira que la variété des styles répertoriés dans ce Dirty Computer n'est pas servie par des productions aussi riches qu'auparavant. Janelle Monáe a beau s'y révéler davantage en tant que personne en chair et en os, elle y ménage la chèvre et le chou dans sa dimension créatrice. Elle laisse les mélomanes sur leur appétit et ne convainc pas d'emblée sur sa capacité à conquérir les auditoires de masse.

Mais d'un autre côté, - et pas seulement celui du placement de produit - dire dans le monde de Trump qu'elle ne l'attend pas pour s'envoyer en l'air et en rose cf. Pynk (assez transparent) avec qui elle l'entend quand elle a envie, comme sur Screwed avec Zoe Kravitz, c'est quand même assez rassurant. J'y vois une posture, un peu facile s'entend, mais comme un rebond, puisqu'elle partage aussi son temps libre avec Hollywood. On ne descendra pas le propos comme Libé (qui tape à côté avec une certaine constance ces derniers temps… ) Wait & See …   

Ludwig van Elton John
Janelle Monáe - Dirty Computer - Atlantic