Une douce odeur de café en BD… avec un ou deux sucres ?
Après les bons délires de Jim Jarmush au cinéma, le manga s'attaque aussi au café, avec un trait singulier et des histoires faussement naïves, sous la plume de Naoto Yamakawa. So charming !
Avec sa collection Graphic, Pika propose des titres ambitieux et éclectiques en suivant une double ligne éditoriale. D’un côté, des auteurs déjà reconnus comme Satoshi Kon (Le Pacte de la mer), Minetaro Mochizuki (Dragon Head) ou Mari Yamazaki (Un simple monde).
De l’autre, on trouve des titres plus risqués, d’auteurs moins connus ou à première vue moins accessibles, comme : Sasô Akira (Nos yeux fermés), Belle Yang (Forget Sorrow)… et évidemment celui qui nous occupe aujourd'hui : Naoto Yamakawa et son recueil Une douce odeur de café.
Croisés au gré des pages, qu’est-ce que ce mari quitté, ce musicien de rue et cet enfant de parents divorcés ont en commun ? Une bonne tasse de café. Mais cette boisson sociale n’est qu’un prétexte pour le mangaka. Dans ses nouvelles, ce qui l’intéresse vraiment c’est la description de la vie des petites gens, que tout le monde ignore bien trop souvent. Au travers de tranches de vie intemporelles, nostalgiques et romantiques, ses récits simples et sans prétention savent parler au lecteur. Tour à tour mélancoliques, tristes, poétiques ou émouvants, ils se construisent entre douceur et retenue. Chaque histoire oscille entre le goût amer d’un café serré ou la douceur d’un bon cappuccino, et presque toutes sont portées par l’amour et l’autobiographie.
Le dessin à l’apparence enfantine du mangaka est volontairement anguleux et caricatural. On pense au gekiga et à des auteurs au dessin atypique comme Shinya Komatsu (Tohu-Bohu) ou Yû Takita (Histoires singulières du quartier de Terajima). L’abondance de traits et le remplissage maladif des blancs fait penser à l’utilisation élégante des trames de Shizuka Nakano (Le Semeur d’étoiles, Le Piqueur d’étoiles…). Pleines de hachures, les planches très travaillées sont noircies par petites touches et motifs tous faits à la main. Bluffant.
Un recueil à la croisée de Coffee time et de La Cantine de minuit qui s’apprécie comme le bon café : à savourer par envie et de préférence à petites doses. En ce qui me concerne, j'utilise du sirop d'agave depuis des années; mais cela ne m'a jamais empêché de lire des BD du monde entier…
Félix Guétary le 6/04/18
Naoto Yamakawa - Une douce odeur de café - Pika éditions