Les labyrinthes oniriques du batteur Laurence Pike

Laurence Pike, batteur-percussionniste inspiré, s'ouvre à un exercice singulier : samples et patterns électroniques dialoguent avec les rythmes subtils de sa batterie acoustique. Il en ressort un univers labyrinthique aussi profond qu'onirique.

Au pays des kangourous tous les musiciens ne font pas des bonds (pardon). Il faut se débarrasser des clichés inhérent au continent qui a vu naître AC/DC et Nick Cave (et non des moindres), pour se rendre curieux et attentif à une musique peut-être moins évidente d’abord, mais captivante, dès les premiers instants.

Laurence Pike fait partie de ces musiciens qui se refusent d’opposer les genres, mais se saisi plutôt de toutes les opportunités contemporaines pour créer  et dessiner les contours d’un univers musical en constante métamorphose. Et si, évidemment, on songe à d’autres batteurs comme Antonio Sanchez, il déploie et trace une carte labyrinthique plus dense et sans doute plus mystérieuse.

Tout d’abord, il n’oppose jamais l’électronique et, en particulier ses patterns, parfois utilisés tels quels, à son jeu qui frôle les peaux et les cymbales. Ils sont la contrainte qui l’aide à discourir et jalonner les étapes du chemin dans lequel il nous invite à découvrir une autre forme de paysage. La lancinance d’un voyage introspectif qu’il nous fait partager en musicien généreux. Gageure que de délivrer un monde intérieur si complexe en le débarrassant de son linceul intime.

Il n’y a pas chez Pike de démonstration de virtuosité, mais plutôt la pleine conscience de croiser des liens infimes entre jazz et électro sans que l’une et/ou l’autre des musiques n'en pâtisse. Et lorsqu’il explique que sa volonté sur cet album est de se glisser dans les interstices immédiats des sons qu’il a « presque choisi » (certains étant directement issus de la machine), on ressent profondément sa puissance d’improvisation et l’histoire qu’il raconte au fur et à mesure du dialogue.

À toi, de te laisser prendre par les oreilles en auditeurs averti, de prendre le départ de ce labyrinthe et d’accepter de te perdre, en te raccrochant parfois à ce son que tu as reconnus au début. D’avancer, de te retrouver, puis de te reperdre pour finir par t’élever au-dessus et voir le chemin. Puis, sans jamais vraiment redescendre, capter ce réseau en alerte prometteur du titre, t’y connecter complètement et en faire des songes (r)éveillés.

Richard Maniere le 12/04/18

Laurence Pike - Distant Early Warning - the Leaf Label