Les pavés de l'écran : le cinéma de Mai 68

Copieux sur le fond comme dans la forme, ces deux coffrets sur le Cinéma de Mai viennent, un demi-siècle plus tard, témoigner d'une folie d'images dont l'onde de choc dura jusqu'à l'élection mitterrandienne de 1981. Le cinéma direct : engagé, insurgé, solidaire.

En 68, des cinéastes tournent au cœur des luttes, de l’intérieur même des événements. Mai 68 est non seulement leur sujet mais, plus encore, leur projet; celui d’un cinéma collectif, partie prenante de l’Histoire. Rarement montrés, voire occultés, ces films sont inestimables. Archives cinématographiques du mouvement, ils disent ses aspects ouvriers, paysans, immigrés même. Œuvres d’opérateurs inspirés, ces films signent l’apogée du cinéma direct, un printemps de cinéma dont l’onde de choc durera dix ans.

Composé de quatre dvd, le premier volume s'occupe en sept chapitres de montrer l'avènement de Mai et ses suites jusqu'en juin. 

Chapitre 1 - 1967/1968 Le vent se lève:
Le premier mai à Saint-Nazaire, un film de Marcel Trillat et Hubert Knapp, 1967, 20 min
Berlin 68-Rudi Dutschke, un film de l’ARC, sous la direction de Michel Andrieu et Jacques Kébadian, 1968, 41 min
La glu, un film de Edouard Hayem, 1968, 19 min

Chapitre 2 - Premières grèves dans l’industrie
Cléon, un film d’Alain Laguarda, 1968, 27 min
Nantes Sud Aviation, un film de l’ARC, Pierre-William Glenn et Michel Andrieu, 1968, 30 min

Chapitre 3 - Mai 68 à Paris, l’explosion
Ce n’est qu’un début, un film de l’ARC réalisé par Michel Andrieu, 1968, 10 min
Le joli mois de mai, un film de l’ARC, 1968, N&B, 33 min
CA13, Comité d’action du treizième, un film de l’ARC, 1968, 40 min
Mikono, un film de l’ARC réalisé par Jean-Michel Humeau, 1968, 11 min
Le Droit à la parole, un film de l’ARC sous la direction de Michel Andrieu et Jacques Kébadian, 1968, 52 min
Avec les cheminots du dépôt SNCF de Paris Sud-Ouest, un film de Fernand Moszkowicz, 1968/2008, 10 min

Chapitre 4 - Les grèves d’occupation du côté des ouvriers:
Oser lutter, oser vaincre, groupe Ligne Rouge (Jean-Pierre Thorn), 1968, 88 min
Citroën-Nanterre, un film de Guy Devart et Edouard Hayem, 1968, 63 min
La Reprise du travail aux usines Wonder, un film de Pierre Bonneau et Jacques Willemont, 1968, 9 min

Chapitre 5 - Du côté des paysans:
Écoute Joseph nous sommes tous solidaires, un film de Jean Lefaux, 1968, 56 min

Chapitre 6 - Juin 68 ou le retour à l’ordre:
Les Deux marseillaises, un film de André S. Labarthe et Jean-Louis Comolli, 1968, 120 min

Chapitre 7 - Les murmures du monde:
L’atelier de recherche cinématographique en Mai 68, par Sébastien Layerle. Article publié dans « Le cinéma militant reprend le travail », CinémAction n°110, 1er trimestre 2004. (pdf. Partie DVD-Rom)

Le Cinéma de Mai 68- volume deux - l'Héritage 

Au cinéma, mai 68 dura treize ans, ouvrant jusqu’en 1981 une page essentielle de l’histoire du cinéma français injustement ensevelie sous l’étiquette de « cinéma militant ». Historiquement en effet, ce cinéma reste parlant, témoignant d’une France enragée continuant de croire au changement, de l’épopée des Lip à la résistance du Larzac, des grèves en usines aux églises occupées. Cinématographiquement, il révèle plus encore, ni plus ni moins que l’existence d’un chaînon manquant entre le cinéma direct des années 60 et le documentaire d’auteur des années 80.

Au cœur de ces années 70 figure le collectif Cinélutte, symbolisant à lui seul tous les enjeux de la période, mêlant cinéma et politique, lutte des formes et formes de lutte, offrant quelques uns de ses plus beaux films à l’hypothèse d’un cinéma partisan. Ce collectif était composé de: Mireille Abramovici, Jean-Denis Bonan, Richard Copans, François Dupeyron, Alain Nahum, Guy-Patrick Sainderichin et Jean-Pierre Thorn.

Ce n’est qu’un début, continuons le combat, de Claudia Von Alemann, (1968-1969, 45 min)
La place du cinéma dans la lutte politique au lendemain de Mai 68 : l’action des États généraux du cinéma, l’apparition de la vidéo et la naissance de la section cinéma à l’Université de Vincennes, la diffusion politique des films dans les usines et les campagnes.

Kimbe red pa moli (1971, 17min)
Bonne chance, la France de Cinélutte  (1974-1975, 100 min)
Trois moyens métrages sur la période précédant les élections présidentielles de 1974 :
L’Autre façon d’être une banque (l’action des grévistes du Crédit Lyonnais à Paris)
Portrait ou Comité Giscard (la vie quotidienne d’un comité de soutien de quartier au candidat Valéry Giscard d’Estaing dans le 17e arrondissement)
Un simple exemple (les trois mois de lutte des travailleurs de l’Imprimerie Darboy à Montreuil licenciés sans indemnités)
Jusqu’au bout de Cinélutte (1973, 40 min)
Margoline (1973, 41 min)
Petites têtes, grandes surfaces - Anatomie d’un supermarché (1974, 36 min)
À pas lentes (1977-1979, 39 min)
En complément :
Texte Un cinéma de lutte pour des gens en lutte par Sébastien Layerle (pdf, 20 pages)
CD : Portrait musical de Colette Magny. Concert d’hommage à la chanteuse par François Tusques et Hélène Bass, enregistré en avril 2001 (40 min)

Quand la cinéphilie sort des salles pour prendre la rue, Mai 68 se profile à l'horizon. Les cinéphiles vont ainsi perdre leur raison d'être, comme brûlés aux rayons d'une lumière qui n'est plus celle des salles obscures, mais vont offrir à la jeunesse une imagerie rebelle : des bouts de films pour voir un monde meilleur et tenter de faire la révolution. Cette révolution, qui prend une sonorité avant tout musicale dans les pays anglo-saxons, tourne en France autour des images du cinéma. Ne lit-on pas sur les murs de la Sorbonne, parmi les slogans de Mai, celui qui dit cette imagination au pouvoir : «Vive Pierrot le fou !» (Antoine de Baecque) 

Les deux coffrets évoquent un temps où le fond de l’air était rouge, à Paris comme à Berlin, à Mexico comme à Los Angeles, à Varsovie, à Prague… Cinquante ans après mai 1968, les commémorations médiatiques vont revenir sur l'unique mouvement étudiant quand il n'était que partie d'un tout.  De cette histoire sociale et politique souvent gommée des livres et que les choix actuels des gouvernements occidentaux voudraient anéantir, il reste des images. N'en déplaise à Sarkosy dont c'était la hantise et à Macron, l'œil rivé sur les seules demandes de Berlin et du CAC 40.  Ici, d'autres idées à l'œuvre. Des envies, des concrétisations ,des échecs et des questions qui restent d'actualité… 

Jean-Pierre Simard le 5/03/18

Le Cinéma de Mai 68, en deux coffrets ( Une histoire et l'Héritage) éditions Montparnasse Video.