Avec Cinéma, Holger Czukay s'avoue dilettante universel - et ça le fait bien !

Non content de faire partie des grands inventeurs du rock avec Can, le regretté Holger Czukay a eu un avant et un après musical, sur une période d'un demi siècle. Et c'est là le propos de ce coffret sorti au jour anniversaire de ses 80 ans, le 23 mars dernier. Cinéma, tout en couleurs sonores.

Holger Schüring, devenu Czukay ensuite, est né à Dantzig en 1938. Jusqu'à la fin des années 50, il est éduqué dans la musique religieuse et le jazz pré-bop. Mais l'arrivée du rock va lui faire réviser ses conceptions musicales premières, et le faire retourner au conservatoire, tout en étant ingénieur du son dans une radio de Cologne. A des cours avec Pousseur et Stockhausen, il va rencontrer le filleul du second, David Johnson et un certain Irmin Schmidt qui, avant cela était aussi compositeur classique. Avec le guitariste Michael Karoli et le batteur de jazz Jaki Liebezeit, ils fondent Can, première mouture en 1966. Le reste de la saga Can appartient à l'histoire avec un Holger qui tient la basse, fait l'ingénieur du son et crée des incidents musicaux sur le parcours avec des ondes radios et des remixes en live, sur la fin de l'aventure. 

En travaillant pour le labo sonore de WDR  (West Deutsche Rundfunk) il commence à expérimenter sur le montage son et préfigure l'ambient, avant même qu'Eno devienne musicien, en élaborant des collages sonores qu'on retrouvera sur l'album solo Canaxis 5, album resté légendaire pour faire

figurer côte à côte ambient, ethnic et formes primitives de sampling sampling, quelques années avant même que l'idée de s'en occuper n'apparaisse - projet qu'il développera au fil de :  Movies (1979), On The Way To The Peak Of Normal (1981), Full Circle (1982), Der Osten Ist Rot (1984), Rome Remains Rome (1987) et Radio Wave Surfer (1991). Le coffret (existant aussi en vinyle) comporte 5 cd's, un livret de 36 pages, bourré de photos inédites et d'une bio, accompagné d'un film tv des 80's Sound Wars, duquel il a écrit la partition et où il joue même. On y trouve aussi bien titres inédits que raretés en solo ou accompagné aussi bien de U-She, Brian Eno, Karlheinz Stockhausen, Jah Wobble et Jaki Liebezeit. Evidemment, 34 titres ne font que survoler la carrière, mais sont tous significatifs d'une certaine évolution sonore sur près de 50 ans.

 

«Nous refusons absolument d’émettre un jugement qui différencierait ce qui est beau de ce qui ne l’est pas. Nous nous contentons de faire, en remarquant que l’étendue des sons existants est immense. Nous ne sommes pas des musiciens, nous sommes des dilettantes universels.» Holger Czukay

 

Mon petit côté spécialiste me fait dire que les participations aux albums de David Sylvian auraient du y figurer mais, du jazz d'intro à la composition classique, en passant par les diverses approches sonores, on fait quand même un beau parcours qui se termine par le méconnu Bison avec Mandy - que voici. 

RIP Holger, tu es au panthéon des musiques nouvelles, quoiqu'il advienne. 

Jean-Pierre Simard le 26/03/18

Cinema - Holger Czukay - Grönland records