Le trait funky-punky-queer de Roberta Marrero
Artiste madrilène inclassable, Roberta Marrero travaille à partir de son identité queer et de ses interrogations face au poids des conventions et des traditions dans la société espagnole. Autodidacte, elle allie dans ses créations dessins, collages et écritures.
Devenue, en quelques mois l'une des artistes les plus regardées d'Espagne, Roberta Marrero poursuit un travail sur sa personne, étudiant au passage les mutations sur l'identité, jouant avec les archétypes, y compris ceux du genre. Par le collage, le dessin, le tout rehaussé de citations, pensées et remarques sur son quotidien, elle mêle les icônes de la culture populaire mondiale: David Bowie, Blanche Neige et autres stars du cinéma ou de la musique pour les transformer en fresques acides et amusées, démontrant par là-même combien nous sommes inconsciemment formatés par la société de consommation.
Elle compose au quotidien une œuvre dense, baroque, habitée de mots et d’images. Les figures qu’elle colle ou dessine entrent alors en résonance avec ses pensées et ses émotions qui apparaissent sous la forme de fragments d’écritures, de slogans, de pensées intimes. Le travail de Roberta Marrero tente de déployer une mythologie personnelle et pudique face au poids écrasant d’une société consumériste qui ne cesse de vouloir normaliser les identités.
Artiste inclassable, tout à la fois actrice et chanteuse, son travail reflète ses obsessions, en lutte avec les symboles du pouvoir, l'imagerie religieuse, la culture pop, l'underground américain, la culture queer, etc. On a envie (et on ne se gêne pas) de dire qu'elle reprend les codes de la Movida, là où elle s'était éteinte dans la coke des années 80, pour pousser plus loin le bouchon de l'identité queer, à l'heure de la mondialisation des symboles et qu'elle pratique un art impeccable du moment, entre l'hébétude devant la récupération de l'art et la réaction franche vis à vis des fake.
On salue donc la galerie 8+4 qui l'a présenté à Drawing Now, quasi en avant-première en France où elle est ignorée, sauf par Virginie Despentes qui l'a fait participer à une table ronde à Toulouse, l'hiver dernier, avec Orne Cabrita, dans le cadre des rencontres proposées à l'occasion de la sortie du troisième tome de Vernon Subutex. Artiste à surveiller de près.
Jean-Pierre Simard le 26/03/18