La faim du monde : un (seul) repas par jour en image
A vouloir trop bien faire, les descriptions de la famine tapent à côté, en actualisant de simples clichés. Ce travail au Tchad du photographe Chris de Bode s'en éloigne pour témoigner dans l'urgence avec une approche claire et précise.
J'ai démarré ce projet alors que je travaillais pour la Croix-Rouge anglaise qui m'avait convié à monter une exposition sur le sujet, déjà abordé par moi de multiples manières au fil des ans, autant sur les catastrophes que les maladies ou la famine et j'ai décidé d'aborder cela d'un œil neuf avec d'autres moyens.
Un repas par jour évoque des relations intimes avec un format visuel spécifique, celui de natures-mortes de nourriture. Certaines, prises sur le vif à partir des reliefs du repas de quelqu'un, d'autres de simples images de nourriture. J'ai choisi d'agir de la sorte pour séduire le spectateur et le convaincre ainsi de jeter un second coup d'œil à ma proposition et de s'atteler à la comprendre. Plus on avance dans la série, plus le propos s'y clarifie.
Le Nord du Cameroun est la région la plus peuplée du pays, avec plus de 3,8 millions de personnes. Elle était autrefois une région touristique courue avec le Waza National Park à proximité; mais la fin des safaris a entraîné son déclin. Sur place, les habitants n'ont souvent plus aujourd'hui qu'un seul repas par jour et le conflit larvé avec le Nigeria proche sème la zizanie sur la frontière, entraînant un sous-développement rampant dans la région du lac Tchad, ainsi qu'un afflux de réfugiés qui diminue les ressources locales.
Le conflit amplifié par le changement climatique a créé une féroce crise alimentaire. Dans la région du Lac Tchad, 10 millions de personnes sont assistées, avec 2.3 millions de gens déplacés et plus 7 millions d'autres en déficit alimentaires. Quelques 515,000 enfants y subissent une constante malnutrition.
Avec mes précédentes séries, j'avais mis l'accent sur les personnes et le contexte en délivrant une série de portraits traditionnelle et documentaire. Ici, j'ai trouvé qu'il fallait aborder un autre angle pour la famine, afin de ne pas focaliser sur les manques et faire preuve de dédain à l'égard des personnes prises en compte; une telle approche aurait été unidimensionnelle et non respectueuse de la situation.
L'un des moments les plus mémorables de cette série fut de prendre en photo l'assiette de Ramata Modou; m'apercevant dès l'entrée et avec tous les gens autour que celle-ci allait tous les nourrir. Si peu pour tant de gens … Et pourtant, c'est la seule réalité de beaucoup de gens de cette région.
On sait que les Nations Unies (d'avant Trump ) ont lancé le défit de faire cesser la faim dans le monde à l'objectif 2030, en anglais ici : end hunger and achieve food security by 2030.
Photographies et texte de Chris de Bode
Chris de Bode est un réalisateur, photographe de portrait et de documentaire qui a découvert sa vocation en étant moniteur d'escalade. A la suite d'un voyage en Palestine, il a décidé de se consacrer aux reportages humanitaires. Depuis, il a parcouru plus de 85 pays pour y faire des reportages. Il est souvent commissionné par de nombreuses ONG : Save the Children, Aids Fonds/Stop Aids Now, MSF, Greenpeace, VSO, CARE, Oxfam et Cordaid; et a déjà travaillé avec des institutionnels comme UNFPA, UNHCR ou WHO. Il dirige aussi des workshops dans le monde entier pour expliquer le story telling photographique.
Un seul repas par jour de Chris de Bode
édité par Félix Guétary le 26/02/18
Plus sur son travail ici