En Suspens au BAL 3/7 avec Luc Delahaye, Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon

Troisième insert à l'exposition En Suspens du BAL, avec les œuvres de Luc Delahaye, Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon. D'un côté une vision de l'exil,  de l'autre des cyborgs en maraude. Suspension de fait ou bien faits de suspension ?  

Luc Delahaye - Taxi 2016 Digital C-print 180 x 229 cm (70 7/8 x 90 5/32 in) 

Est montré ici le suspens d’hommes relégués hors de l’histoire, hors du paysage, en situation de survie dans un no man’s land politique : des territoires désertés, des corps en arrêt, isolés ou happés, sans ancrage. L’espace s’est refermé. Les visages ont disparu, la connivence des regards aussi.

Constellation hétérogène de lieux et de problématiques, l’exposition tisse un large réseau de correspondances, suggérant un lieu commun du suspens. Quand prend fin le mythe d’une histoire linéaire du progrès, quand l’idée d’une communauté de destin fait défaut, le suspens se déploie à une autre échelle. Il en vient à désigner un état du monde. 

Diane Dufour

Luc Delahaye

Luc Delahaye est connu pour ses photographies grand format représentant des évènements d'actualité, des conflits ou des faits sociaux, des œuvres se caractérisées par leur nature frontale et leur détachement, avec un style documentaire glacial contré par une vraie intensité dramatique.

Il a débuté comme photo-journaliste du staff de Sipa Press en 1986 à se consacrer au reportage de guerre. En 1994, il passe chez Magnum Photos, puis à la rédaction de Newsweek.

Les années 1980 et 1990, le voient témoigner des guerres du Liban, d'Afghanistan, de Yougoslavie, du Rwanda et de Tchétchénie. Ses images d'alors sont caractérisées par une approche brute et directe ; elles allient proximité à l'événement et distanciation émotionnelle. Le sens du recul sans distancier le sujet, mais plutôt … son suspens. 

Ces préoccupations se retrouvent dans des séries minimalistes publiées sous forme de livres, notamment Portraits, une suite de portraits de sans-abris réalisés dans des photo-matons, et L'Autre, une série de portraits volés dans le métro parisien. Avec Winterreise, il explore les conséquences sociales de la crise économique en Russie. 

Après le photo-reportage, intéressons-nous aux dispositifs avec Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon. Ces deux-là sont artistes et chercheurs et réalisent performances, films, installations, virtuelles ou processuelles le plus souvent, œuvrant dans le domaine non clos de la recherche et de l’utopie. Avec eux, et l'œuvre Musée du Terrorisme, l'aéroport devient musée du terrorisme, nous invitant à circuler au sein de dispositifs de surveillance visibles ou invisibles omniprésents, soulignant et sur-dramatisant une menace pourtant statistiquement très improbable. Jouant sur une sur-médiatisation de la surveillance pour rendre la menace palpable, les artistes isolent un point de tension marquant de nos sociétés contemporaines. Il en va de même avec l'œuvre ici présentée Cyborgs in the Mist d'où la présence humaine tend à disparaître au profit des seules machines qui, réalisant le cauchemar du Substance Mort de Philip K. Dick, en arrivent à se surveiller elles-mêmes - au comble du confusionisme. Bienvenue dans le post-humain.  En voici la bande-annonce. 

L'humain en suspens versus les robots qui tournent en boucle à surveiller la  suveillance. Vers quel genre d'humanité nous dirigeons-nous ? La question reste ouverte, même si les exemples n'ont rien de  folichon…  La suite demain, avec un autre dispositif autour d'étranges roses et d'une installation. 

Jean-Pierre Simard le 13/02/18

Expo collective En Suspens 3/7 ->13/05/18 
Le BAL 6, impasse de la  Défense