Chaumont, quand le graphisme fait Signe
7h42, Gare de l’Est. Celle qui fait partir les trains complètement à l’Est, quand nous sommes plutôt à l’Ouest, mais pas à une contradiction près. Et, prêts nous le sommes, pour la Haute Marne, bien au-delà de la grande couronne de Paris. Nous grimpons dans le TER, cette drôle de machine à voyages et arriverons à Chaumont à 10 heures; en ce lieu improbable de l’affiche, de son festival et de son nouveau lieu surtout : le Centre National du Graphisme, Le Signe.
Drôle d’endroit pour des rencontres pourrait-on dire, lorsque l’on sort de cette ga(lè)re, un jeudi matin d’hiver. Et pourtant, l’histoire de cette ville est attachée au graphisme, à l'affichisme en particulier, puisqu'un certain Gustave Dutailly, personnage iconoclaste en politique, botaniste et collectionneur d’affiches en privé a bouleverser le paysage de la Haute-Marne à la fin du XIXe siècle. Dutailly collectionne les affiches, toutes les affiches, avec le coup d'œil singulier du collectionneur qui va dénicher aussi bien l’affiche que sa maquette, la version interdite comme celle qui a été censurée, etc.
Et l’époque regorge de ces manifestes où l’affiche témoignait, gueulait, proclamait, la haine du clergé comme l’époque où elle encourageait d’aller aux Folies Bergères, ou bien encore de boire de l’amarante Bitter comme gage de meilleure santé, tout en trinquant à la vôtre !
Bref, une sorte de parenthèse enchantée, où malgré une censure assez importante, l’affichage restait un art de l’espace public, parcimonieux et encore bien loin de la pollution publicitaire subie et insupportable d’aujourd’hui.
L’exposition didactique, juste assez pour ne pas ennuyer, met en lumière contextes historiques et créations de la belle époque pour explorer en détail les particularités d’une collection foisonnante, parfois fétichiste. Mais qui, au regard du commissariat confié à Nicholas-Henri Zmelty, historien d’art contemporain, spécialiste de l’image imprimée, donne toutes les raisons intelligibles pour lesquelles, Chaumont est emblématique de ce graphisme d’affiche.
Le Signe, nous le verrons dans la suite de cet article à épisodes (un peu comme Star Wars mais en mieux), entend aller bien plus loin que cet emblème déjà reconnu. C’est ce que nous confierons avec passion Catherine Di Sciullo et Eric Aubert au fil de de notre entretien, lors de cette journée passée ensemble dans ce lieu qui d'ores et déjà tient toutes ses promesses.
Car, nous le verrons par la suite, c'est un lieu (très) propre à la déambulation divaguante. Tout d’abord parce qu'après s'être fadé deux heures de TER, on souhaite d'abord amortir le voyage. Et, ce qui est plus surprenant et tout aussi encourageant, c’est que le lieu vous happe : il vous accueille entièrement, avec ce petit supplément d’âme qui vous fait véritablement oublier le trajet. Un genre de lieu rare… Entre une signature architecturale un brin ambitieuse et la réhabilitation d’un bâtiment très connoté, il s’agit de l’ancienne succursale de la Banque de France locale, tout était réuni pour s'attendre au pire. Mais, c’est pourtant tout le contraire qui se produit, à l'inverse des peurs qui nous animaient.
Le bâtiment imposant fait signature, c’est évident, mais le travail de dialogue avec les « restes » de la banque sont clairement assumés et deviennent une caractéristique qui intrigue, fait sens pour ne pas dire : « qui fait signe… »
La suite lundi…
Richard Maniere le 4/01/18
L’affiche illustrée à la Belle époque. La Collection Dutailly. -> 7/01/18
Centre National du Graphisme, Le Signe. Chaumont