L'Atypique Pierre Vassiliu dégaine ses Face B post-mortem
Il aura tout fait, mais en totale liberté, le Vassiliu que la France des 70's connaît surtout pour Qui c'est celui-là. Mais ce pays est sans mémoire qui lui avait déjà fait un triomphe dix ans plus tôt avec Armand (il avait pas de papa, il avait pas de maman… ). Jockey, chanteur, acteur, restaurateur, compositeur de BO, résident de Gambie. Un homme sans qualité à la Musil.
Avec son look cool et approximatif, Vassiliu était un tombeur, autant par sa finesse d'esprit que pour sa liberté affichée, en total no look qui a suivi l'évolution musicale des 60's aux 80's. passant sans encombre de la gaudriole, comme Ricet Barrier à un surréalisme textuel du plus bel effet (Tarzan ), avant d'envisager le politique ( Hasta Siempre et la world music Banjul) ou le funk avec sa BO de Ils, film de Jean-Daniel Simon de 1971.
Petit précis de vie :
« Qu'est-ce qu'il fait ? Qu'est ce qu'il a ? Qui c'est, celui-là ? Complètement toqué, ce mec-là... » C'est l'adaptation d'une chanson du Brésilien Chico Buarque qui le rend célèbre en 1973. Avec 300 000 disques vendus en quatre mois, il dira avoir « vécu une quinzaine d'années avec le fric de cette chanson ».
Né le 23 octobre 1937 à Villecresnes (Val-de-Marne), le chanteur, auteur et compositeur à la célèbre moustache, qui débuta à la fin des années 1950 dans les cabarets parisiens, signa nombre d'autres chansons comme La Femme du sergent, ou Dans ma maison d'amour.
Grâce à son autre passion, le voyage, Pierre Vassiliu rapporta de ses périples en Afrique ou encore au Brésil un goût pour les sons d'ailleurs. Il s'installa au Sénégal entre 1985 et 1989 où il ouvrit un club de jazz. Ce, avant de rentrer en France et de s'éteindre à Sète en 2014, des suites d'un Parkinson tenace.
Born Bad ressort aujourd'hui ses Face B et c'est un bonheur de le retrouver et de vous le faire découvrir parce que, excellent chanteur, compositeur du même métal, il aura su être un parfait chroniqueur de son temps. Plus marrant que François Béranger, d'une autre folie que celle d'Higelin période Saravah, touchant un public pas encore désenchanté qui, plus tard, allait s'enthousiasmer pour Souchon - sans y trouver le même succès constant pour son délire bien particulier et son refus constant des poncifs de la variété française qu'il aura tenu à l'écart, d'où sa carrière à éclipses.
Difficile de comprendre aujourd'hui, comment un chanteur d'alors a su faire sa carrière en parlant d'amour sur tous les modes et à tous les temps. Impensable aujourd'hui, mais indispensable alors. Grand mélodiste, grand mec, jamais à court de la boutade qui fait mouche: (Film)
Je cherche encor' une fill' qui voudrait bien de moi ce soir un quart d'heure
Bon, ben y'a qu'un' solution alors...au Bois
Tout d'suite au Bois
Facilités de paiement, crédit total
Voyons...Les contre-allées de l'Av'nue Foch
Les quartiers chics
C'est là qu'y'en a l'plus
Y'a mêm'des Espagnoles c'est vous dire
Des anciennes bonnes ou alors toujours des bonnes
Avec elles il faut payer franco
Ah...l'Espagne, Franco, le pays de l'honneur, des taureaux des guitares
Où le gui fait bonheur et la tare c’est Franco c’est bien connu…
Il y a chez lui, une proximité immédiate qui fonctionne à long terme. Une singularité de propos qui touche. Et accessoirement, c'est le seul chanteur français a avoir su parler clairement de cul, sans être jamais macho. Pas mal, non ? Je suis fan de touts les périodes, même si, à son retour en France, dans les années 90, il s'est retrouvé boudé par les radios, tout en gardant un public fidèle à ses concerts mettant en valeurs ses autres albums aux musiques métisses : africaines, américaines du sud, gitanes… Cette compile qui évite les Face A ( Amour amitié, Qui c'est celui-là,etc.) met l'accent sur la fragilité du bonhomme en ressortant un titre pseudo médiéval et d'une acidité glaçante (Le Manège désenchanté). Humour toujours, décliné avec panache.
Chaudement recommandé, pour le frisson d'époque, sans aucune nostalgie, mais avec un plaisir constant. Un jalon de la chanson d'ici, de qualité; celle qui louvoye à l'égard des clichés et propose une autre vison du monde. Rien que ça …
Jean-Pierre Simard le 29/01/18
Pierre Vassiliu Face B Born Bad