Les céramiques du désir d'Emmanuel Boos
Emmanuel Boos aime tant l’émail céramique qu'il l’a ainsi mis au cœur de sa pratique. Et, si le néophyte compare souvent l’émail à une sorte de peinture ou de couleur céramique; pour Boos, c'est bien plus que cela. C'est autant un espace poétique qu'un espace du désir.
L’émail est une poudre que l’artiste compose et créé à partir de minéraux, pour l’apposer sans pouvoir vraiment présager du résultat final, qui sera une matière nouvelle. Ce faisant, Boos explore les matériaux et les phénomènes physiques et chimiques à l’œuvre dans le processus céramique. Cette exploration de la matière est l’objet de sa démarche artistique, mais pas celle d’un scientifique. Boos est plutôt un amoureux : c’est l’intimité avec son medium qui lui permet d’établir avec lui une relation de curiosité enjouée.
Boos n’est pas le potier jaloux que décrit Claude Lévi-Strauss dans La Potière Jalouse, 1985) : il ne cherche pas à dominer ou contrôler, mais plutôt à entretenir une relation ludique, amoureuse avec le chaos. Ses œuvres permettent/provoquent le hasard. Il y traque l’inattendu, au risque de l’accident. Parce qu’il accepte de perdre contrôle, l’artiste met au jour la dimension poétique, sensuelle et même érotique de la matière qui justifie son obsession : coulures, affaissement, changements de couleurs ou de texture mais aussi trous et fentes de l’émail ou/et du tesson. En renonçant à l’artifice de la virtuosité et de la démonstration, Boos s’efface devant les éclats de la matière céramique et devient son partenaire en faisant l’expérience de l’altérité amoureuse, de sa beauté et de sa poésie.
Parce qu’il traque systématiquement l’inconnu de cette matière mais aussi partage, révèle et diffuse ses recettes, sa démarche pourrait paraître encyclopédique : Boos crée souvent des palettes et des bibliothèques d’émaux. Mais son savoir est d’un autre ordre : il est plus proche de celui de Don Juan que de celui de D’Alembert. Sa pratique n’est pas science, ni même tout à fait un artisanat, elle est de l’ordre de l’intime: émotion, sensualité, poésie et érotisme.
Comme des blocs de pur émail, dont l’aspect serait le reflet de la densité. Cet intérêt pour la surface céramique l’a amené à soulever la question de la profondeur de l’émail et à interroger sa proximité et surtout sa spécificité vis-à-vis de la peinture. Aussi, ses céramiques conservent-elles une ambigüité revendiquée : elles sont à la fois surface et volume. Même murales, elles demeurent sculpturales. Ses œuvres appellent une forme de contemplation esthétique, sensible, sensuelle et émotionnelle de la matière céramique.
Emmanuel Boos est un apôtre de la céramique du désir.
Félix Guétary (avec galerie) le 22/01/18
Emmanuel Boos Je t’aime moi non plus → 13/02/18
Galerie Jousse Entreprise — Mobilier d'architecte 18, rue de Seine 75006 Paris