On fait quoi ? par Emmanuel Delabranche
le jardin s’étend désormais d’est en ouest le long du fleuve le long des berges des quais des bajoyers de pierres assemblées le jardin s’étire comme un corps conçu composé sans réserves sans zones blanches sans délaissés le jardin est dessiné comme ces intérieurs de supermarchés aux rayons judicieusement placés parcours imposé et même la liberté que tu prends en dedans on y a pensé le jardin s’étale se donne se vend le jardin s’impose pauses obligées bancs chaises longues tables à l’ombre l’été ou au soleil pour bronzer le jardin recouvre ce qui ici avant existait sans distance aucune il est neuf arrogant sans autre intérêt que de refléter le pouvoir qui l’a commandé et son unique langage
faire
pourquoi ne pas laisser à chacun le pouvoir d’imagination celui de se situer de s’inventer ici là de se retrouver se perdre se chercher pourquoi ne pas laisser les choses comme elles sont et en prendre possession pourquoi la ville payante pourquoi la ville aménagée pourquoi la ville hiérarchisée la ville catégorisée pourquoi accepter la détermination des espaces le calcul des flux pourquoi ne pas reprendre sa liberté dans la cité quelle peur vraiment quelle crainte nous retient pourquoi laisser faire ce qui nous oblige nous tient
faire
la nuit dernière on a construit sur l’un des ponts franchissant le fleuve une suite de cases des cabanons des logis des maisons adossées les unes aux autres fil continu d’histoire qui s’écriront on a planté les toits comme en pleine terre une lanière un potager on a installé en cercle quelques unités au centre la cour la crèche créée on n’a pas touché au sol on a tiré des câbles depuis les candélabres construit des citernes pour l’eau potable on a laissé un passage pour ceux qui roulent ceux qui marchent au loin l’horizon la vallée on a ouvert une brèche tendu la main le bras d’une rive à l’autre dans le sens du lien la nuit dernière on a repris un pont et espoir la ville n’est pas morte occupation et pouvoir faiblissent déjà
Emmanuel Delabranche 3/09/2017
"Dès que l’autorité se prétend légitime, elle demande à être déconstruite", Gilles Deleuze, « L’Abécédaire ». Emmanuel Delabranche est architecte. Il construit, enseigne, écrit et photographie. Vous pouvez le retrouver sur son site et sur Twitter @edelabranche.