Des bémols sur le temps béni des khmèreries … rouges du sang des rizières

Pour qui se souvient de La Déchirure de Roland Joffé, en lieu et place du Killing Fields, la BO de Mike Olfield, cet album aurait été un must. Mais l'histoire est oublieuse qui préfère la reformulation pour les gros budgets au cinéma.… Sorti assez inaperçu en 1983, Cambodian Liberation Songs est un album passionnant de musique cambodgienne qui passe sans encombre du folk trad au rock pour dire son aversion avérée de la période considérée. 


Le 17 avril 1975, le peuple cambodgien, déjà pris entre les feux de la guerre avec le Vietnam apprit qu'il devait de suite oublier intégralement son passé - pour entrer dans l'avenir radieux du bonheur socialiste. Pol Pot décrétait l'année 0 du calendrier Khmer Rouge. En quatre ans de génocide des unités de résistance au Vietnam et aux Khmers virent le jour sur les frontières. Et cet album produit par un groupe de résistants écopa du numéro de série KHMER 001. C'était incontestablement le premier enregistrement réalisé, par des Cambodgiens non-khmer après les massacres commis entre 1975 et 1979. Avec les moyens du bord, le résultat est plus qu'intéressant.

"Art Khmer" d'époque 

Le Banteay Ampil Band a été monté au camp de réfugiés d'Ampil, à la frontière thaïlandaise. Musiciens et chanteuses qui avaient caché leurs talents durant le génocide se réunirent autour du compositeur et violonisteOum Dara pour engager la résistance culturelle. Ce dernier qui avait écrit pour des stars des années 60 et 70 comme Sin Sisamouth et Ros Srey Sothea, adapta certaines de ses creations pour leur faire raconter tout autre chose.

On est donc devant un sacré hybride quiemprunte à l'âge d'or de la pop cambodgienne précédente pour dire son fait aux khmers. D'un côté on se sert de la musique traditionnelle pour l'adapter à un nouveau propos de première nécessité; et de l'autre, on se sert de la vacuité supposée de la pop pour lui faire exprimer des mots plein de rage, de tristesse et d'émotion, pour parler de la fin d'un conflit et des combats quotidiens d'alors.

La joyeuse bande de salopards eugénistes du monde meilleur… supposé.

Le Banteay Ampil Band, avec les simples ressources de violin, guitare et voix, fait une opportune synthèse populaire et savante pour faire circuler la parole des résistants. Le disque a été enregistré à Singapour et s'avère, de plus, être le seul et unique exemple des agissements du Front populaire de libération national des (contre les) Khmers… 

Friedrich Angel le 12/09/17

Banteay Ampil Band - Cambodian Liberation Songs - Akuphone 2017