Kate Smuraga : la Biélorussie, comme un remords d'adolescence

Aux prises avec le changement, bouger et grandir : quand je revois mes amis, je m'aperçois à l'évidence comment nous nous sommes transformés intérieurement et j'y vois la tectonique des plaques à l'œuvre avec ses subtilités et sa lenteur.

Kate Smuraga

Personne d'important, mais personne d'autre… le temps file à toute vitesse. Comme si, quelqu'un d'assez cinglé le pourchassait, échevelé et sans repos. 

Je me souviens absolument de ce printemps avec ses promesses et ses libérations. Mais après ? Où sont donc passés tous ces étés ?  Par une chaude journée d'été, j'ai plongé dans un lac et je suis remontée à la surface pour y voir des branches nues en l'air et tout un tapis de feuilles autour. Car, un coup de vent avait soudain effeuillé tous les arbres alentour en quelques minutes.

Kate Smuraga

J'ai déménagé dans une autre ville il y a quelques années et depuis, je vis loin de mes amis. On se doit d'être fort et assuré pour laisser le passé s'estomper et arriver à aimer d'autre êtres. Moi, je suis engluée dans mon passé et mes amis me manquent. Ces années avec eux aussi, quand nous étions proches et parcourions les mêmes rues. A nous servir de miroir, les uns les autres.

Kate SmuragaKate Smuraga

Je reviens rarement dans cette ville où j'ai passé tant de temps. Le château de cartes que j'y avais construit s'est écroulé si facilement. Revanche du temps, je ne reconnais même plus mes rues et parfois m'y perd. Seuls mes amis qui y vivent encore m'épargnent le fait d'y devenir une totale étrangère. 

Autoportrait de Kate Smuraga


Quand je me retrouve avec mes vieux amis et qu'il n'y a personne autour, je perçois alors très clairement comment les changements intérieurs qui se sont produits avec ces transformations, l'inexorable et subtil mouvement de la tectonique des laques en nous.  Nos nouveaux grains de beauté, nos nouveaux jobs, nos autres enjeux, Et tout semble presque exactement à l'identique.

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J'ai peur de m'être perdue quelque part quand les autres continuaient à avancer. Ma patrie est coincée dans un entre deux et c'est ce que j'ai perdu duquel je suis en quête. Ma patrie est du côté de ceux que je chéris, de mes amis qui vivent enroulés dans mes rêves. et plus je les serre contre moi, plus furieuses s'avère ma solitude qui me mange comme une bête sauvage.  

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Il ne sert à rien de vouloir retenir ce qui ne peut l'être et personne ne peut éviter les changements et les pertes. Mais je veux sauver ce qui peut l'être. Alors, je dois confesser mon amour à ces endroits qui existaient encore il y a peu, à mes amis si proches et, en dehors du temps et de l'espace, à ce que mon cœur chérira toujours, On dit que personne n'est irremplaçable, mais c'est une erreur. Car je crois- je sais au fond de moi-même - qu'ils existent.

Kate Smuraga, traduction et adaptation  Jean-Pierre Simard

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