Go, go Gorillaz ? Ben non… Humanz, just humanz
On l'attendait un peu, mais en se disant que peut-être, cette fois, on trouverait un nouveau mix avec autre chose que le kaléidoscope des featuring pour imposer le son entre pop, hip hop et reggae. Mais d'entrée c'est bavard avec plus de bas que de hauts… On explique le volumineux opus en 20 titres et intertitres. La vie est dans les interstices…
On démarre avec la faute de grammaire qui fait son effet : bien que ultra-médiatisé, vanté de partout avec attentes multiples (qui vont assurer les ventes rien que sur un possible frisson à venir… ), on peut dire que le retour de Gorillaz qui a voulu sur Humanz maximaliser son concept et le tordre dans tous les sens s'avère un chouette labyrinthe où se perdre avec références politiques sur Trump : Halleluyah Money.
20 morceaux, de nombreux interludes, des titres oscillant entre les 2 et 5 minutes d’écoute; il y a à boire et à manger. Et évidemment, un élément qui frappe, c’est le nombre hallucinant de featurings. Danny Brown, De La Soul, Kelela, Grace Jones, Jehnny Beth, Vince Staples, Pusha T… Et il aurait aussi du y avoir Bowie, Morrissey, Sade et Dusty Springfield. Tout le monde semble s’être donné rendez-vous pour ce Humanz qui s’annonce alors d’anthologie. Mais las, c'est la plus grande faiblesse de l’album.
Ainsi, on navigue au fil de Humanz, comme dans le Grand Mix de Nova, entre hip-hop survitaminé (l’Ascension d’introduction), l’hymne reggae efficace (Saturnz Barz), le rythme post-rock asynchrone (l’ardu Charger), l’engagé pamphlet (Let Me Out) et la conclusion rock fédératrice (We Got the Power). Côté positif, de l'exceptionnel: Saturnz Barz, avec superbe construction et rythme l’implacable, un surprenant She’s My Collar où Damon Albarn reprend du poil de la bête avec une mélodie chargée d’émotion et richement produite, ou encore sur Carnival, bulle sonique apocalyptique au thème dévastateur.
Mais forcément ainsi, ce nouvel opus se révèle beaucoup trop bavard, Busted and Blue (seul titre sans featuring!) semble ne jamais évoluer et Sex Murder Party ne fait rien pour élever un rythme qui reste cloué au sol. Quant à l'étrangeté de Charger c'est sa seule évolution - de désagréable à expérimental qui le rend finalement bienvenu. Et pas autre chose.
Si Albarn a confié l'envisager comme une playlist de fête de fin du monde, Humanz n'atteint jamais son but - ou alors, putain que ça va être triste! Ce n'est ni la faute du saute-mouton continuel ou des interludes qui font le ciment, c'est plus du côté bavardage intense persistant que cela pêche. Est-ce une simple mixtape qui va se développer au fil des clips à venir de Hewlett ou de la tournée, ou bien juste un truc qui se donne comme ça sans retenue ?
La force des univers mis en sons et images (et live gratinés) de Demon Days et Plastic Beach, mettaient le Zbeul dans le paysage musical d'alors, avec une recette inédite et joyeuse qui alignaient côte à côte musique, thèmes, et 3D - recette inconnue à l'époque qui parlait d'un futur possible. Sûr que le Brexit a du en mettre beaucoup à la rue des vues du futur… mais, en se basant sur le présent et en le délayant au fil de 20 titres, Humanz marque le pas et perd l'univers pop de vue, en le noyant sous sa description. Où sont passés les Clint Eastwood et Feel Good Inc. qui balançaient la purée sans se noyer dans l'eau du bain? Le God Only Knows des Beach Boys faisait à tout casser 2,30' …
Jean-Pierre Simard le 27/04/17
Gorillaz - Humanz - Parlophone