Les Boikos des Carpates s'installent rue Lepic
« Les Boikos sont l'une des communautés les plus étranges qu’on puisse trouver dans toute la chaîne des Carpates. Ils sont un peu muets. Incapables de parler d’eux-mêmes. Ils sont si vivants en votre compagnie, et pourtant si difficiles à définir. Ils accomplissent tant de gestes qui ont disparu ailleurs, et si peu de tout ce que l’on trouve partout. »
Sans doute est-ce la cause de l’intérêt du photographe pour s’emparer du quotidien de la vie ancestrale de cette communauté, surtout que Jan Brykczyński évoque les pratiques de magie noire et blanche, encore courantes parait-il lors des trois années de 2009 à 2012, périodes pendant lesquelles il choisit de rendre compte de la vie de cette communauté. Pendant les deux saisons d’hiver et d’été, il semblerait que l’on vive ici comme au temps jadis. Le mode de vie agraire est ici photographié dans une adhésion et une attention précise.
Ces images sont le fruit d’un lent travail d’approche, plusieurs années ont été nécessaires au photographe pour gagner la confiance de cette communauté, parait il quasiment muette, ou s’exprimant peu. Tout passe par le regard, les gestes, l’intentionnalité. Ce déficit de communication confère aux corps une forme de paix silencieuse, voire sentencieuse. Jan Brykczyński photographie ce silence, avec respect et adhésion, particulièrement prégnant dans les photographies d’hiver, immobilité des personnages dans la scène de l’enterrement, un silence de circonstance intensifie la douleur, le corps semble avoir un statut de vérité.
Il y a là comme un épanouissement sans doute au retour des gestes de la vie ancestrale , irriguée par les traditions paysannes et l’aveu implicite d’une séduction devant ces gestes éternels de l’homme face à la nature, quand il s’agit de tuer le cochon, d’élever des canards, de couper du bois sous la neige, de se recueillir devant la mort, de se sentir protégé des frimas dans un habitat intégré au paysage et faisant corps avec lui. Ces intérieurs, traversés de la lumière blanche et pure des Carpates, sont ainsi présents pour alimenter le propos devenu documentaire, soit, mais également intimiste, au delà du naturalisme poétique qui sourd impérativement.
L’été, quand la Nature déploie ses volumes, l’occasion de se rapprocher d’un certain cinéma, Ingmar Bergmann, Miklos Jancso, Milos Forman avant 1968, se fait plus évidente, la sensualité de l’air rapproche le photographe de l’ambiance des films où l’éros traverse la vie. Corps et gestes sont maintenant plus exubérants, Jan Brykczyński est aède malgré lui, dans la portée de sa vision, images dont la peinture des gestes et des situations de la vie, s’inscrit dans la nuit, le crépuscule, (le jeune homme à la faux) toute heure heureuse, portant le miracle de l’été et de ses moissons, là où l’esprit panthéiste de celle-ci célèbre le sacré, l'éternel désir des hommes dans l’éternel retour du cycle des saisons.
Pascal Therme, le 25 avril 2017
Pascal Therme vit et travaille à Paris. Il y conçoit ses reportages sur les expositions, la mode et les fashion show.
Jan Brykczyński, (1979), est un photographe documentaire basé à Varsovie. Il est un partenaire fondateur de Sputnik Photos. Boursier du Fonds International Visegrad et du Ministère de la Culture. Jan a remporté de nombreux prix photographiques, tels que 2013 The European Photo Exhibition Award et The Syngenta Photography Award. Il est représenté dans le monde entier par l’Agence Anzenberger à Vienne. Il vit à Varsovie avec sa femme et sa fille.
Jan Brykczynski, Boiko -> 8 mai 2017
Dans le cadre du Mois de la Photo du Grand Paris à Little Big Galerie 45, rue Lepic 75018 Paris