Pablo Siquier fait toujours du Bruit…
Artiste reconnu tant en Argentine qu’à l’étranger, Pablo Siquier œuvre depuis les années 1980. Se détachant de l’avant-garde latino-américaine, son œuvre s’inspire autant du constructivisme que de l’art concret, tout en explorant les possibilités de l'abstraction. Dépourvue de contexte social ou biographique, sa pratique se développe dans la multitude de formes géométriques, muant en un dédale complexe, de noir et blanc, entre l’ombre et la lumière.
On distingue dans sa peinture, aussi bien structures architecturales, que circuits informatiques ou vues aériennes. Ses compositions labyrinthiques oscillent entre planification géométrique, selon la régularité des cuadras de Buenos Aires, ville natale de l’artiste, et la formation circulaire des villes européennes ou des cités indiennes, pour évoquer l’irrégularité et la fragilité de toute forme d’organisation humaine. Son œuvre s'offre en métaphore de l’évolution urbaine, où l’architecture moderniste est soumise à une contamination mutuelle et inévitable des différents styles et où le désordre vient corrompre la géométrie parfaite.
La notion de construction est inhérente à sa pratique. Se servant d’un logiciel 3D pour créer une infinitude de déclinaisons de lignes et de courbes, l’artiste les transpose ensuite sur une toile ou sur un mur, à main levée ou à l’aide de stickers préalablement découpés. Le trait noir sur un fond blanc ne transcrit pas un geste expressif, mais le calcul et l’algorithme, tout en faisant référence au système binaire de par sa bichromie constante. Les titres des œuvres mêmes, encodés en chiffres, où les deux premiers correspondent à l’année de création, suivent une logique d’énumération méthodique et constituent une sorte d’inventaire.
Par son caractère schématique, le travail de Pablo Siquier se réfère à la musique de Iannis Xenakis, une de ses influences majeures. Comme des partitions soumises aux règles et procédures mathématiques, les compositions de Siquier, générées par ordinateur, transcendent l’agencement rigoureux en provoquant un impact émotionnel. Les traits, les courbes et les vides, éléments constitutifs se forgent en un ensemble indissoluble, tel un emblème ou un hiéroglyphe. Ces structures idéales qui se déploient selon les lois mathématiques, semblent se dérégler de temps à autre, balançant entre ordre et chaos, entre symétrie et asymétrie.
Dans ses nouvelles toiles (2017), les formes géométriques évoluent par répétition et multiplication, comme un mandala, pour constituer des structures éclatées. Tout comme Xenakis qui a lui aussi travaillé sur le rapport à l’architecture et à l’espace, Siquier inscrit son travail in situ, sur les murs des galeries et des musées ainsi qu’en créant des peintures murales à l’extérieur. Passant à grande échelle, ses dédales bidimensionnels disposés sur le mur principal de la galerie, à force de jeu d’ombre et de lumière, créent une sensation de volume et acquièrent un nouveau rapport au corps, mettant en relation la figure humaine avec les structures qui régissent et rythment la vie.
L'anthropomorphisme au service de l'art ou bien l'architecture à celui de la figure ? A vous de juger …
Maxime Duchamps le 25/03/17
Pablo Siquier Bruit -> 13/05/17
Galerie Xippas 108, rue Vieille du Temple75003 Paris