Le Brésil au prisme du parc aquatique de Roberta Sant Anna
Quand le sujet se suffit à lui-même, on n'en rajoute pas. C'est le cas avec le dernier reportage de Roberta Sant Anna et sa série Parc Aquatique (“Water Park”) où elle a photographié, deux ans durant, la vie exhibée dans les parc à thèmes du sud du Brésil où elle adorait passer ses vacances enfant. Toute lecture est possible, de la plus tendre à la plus ironique; elle le dit elle-même. Mais lisez plutôt sa présentation plus avant …
Water Park a été réalisé pendant l'été, sur deux ans et mets en avant les parcs aquatiques du sud du Brésil. Ces gigantesques parcs à thèmes ne sont ouverts que pendant les vacances, au seul bénéfice des classes moyennes brésiliennes. Ces endroits sont propre à la catharsis collective. On y assiste à la levée des inhibitions physiques et on y exhibe fièrement aussi bien vanité que fragilité. Un endroit où oublier le monde extérieur, le temps d'une journée de vacances…
Je suis née et j'ai été élevée dans la partie la plus septentrionale du Brésil, dans l'Etat du Rio Grande du Sud. Tous les parcs aquatiques que j'ai photographiés s'y trouvent le long des grands axes routiers. Et, chaque fois que je prenais des vacances en famille, nous allions en visiter un ou deux. Mon attention avait été retenue par la monumentalité et la singularité de ces parcs avec leur mix assez cinglé de dinosaures, de dragons et de mythologies. En tant qu'enfant j'y allais au moins un fois par an. Mais à cette époque, ils étaient plus simples; car ils sont devenus aussi fantastiques que flamboyants. Sûrement dans l'intention d'attirer les jeunes générations.
Mon projet peut se lire à plusieurs niveaux. Pour certains, il sera orienté corps, joie et vanité, ou alors, ne sera qu'ironie ; quand certains le verront comme une montée en puissance de la classe moyenne brésilienne. Je l'ai nommé tout simplement Parc aquatique, car je n'avais pas l'intention de donner une indication de lecture ni même d'en restreindre l'interprétation.
Pour cette série, j'ai utilisé un Hasselblad analogique qui n'est pas exactement le plus discret des modèles pour faire des clichés. Mais d'un autre côté, ce que j'apprécie avec lui, c'est devoir m'approcher des gens et de leur demander leur permission. J'adore car, quand ils acquiescent, nous avons un échange rapide qui se transmet par la façon dont ils posent pour l'appareil. Dès lors, la vanité et la fragilité se déploient en fonction de l'assurance de soi qui surgit quand quelqu'un vous prend en photo.
Il faut que j'avoue que l'ironie qui se dégage de mon travail vient de mon auto-ironie et de ma façon d'observer le monde qui m'entoure quotidiennement. Nous, les humains, sommes de drôles d'êtres dont la poésie visuelle surgit quand nous nous comportons naturellement. Et c'est spécifiquement vrai dans des environnements joyeux et des endroits où nous libérons nos corps et nos esprits. Ces parc aquatiques sont top, dans ce cas précis, car ils ont le pouvoir de déconstruire notre self-control habituel et aussi d'annihiler les rôles sociaux que nous endossons habituellement.
Dans ce petit monde aquatique, gardé du monde extérieur par des dinosaures et autres créatures fantastiques, il m'est permis d'échapper à certaines de mes inhibitions. Nous avons des univers intérieurs qui se dévoilent quand nous ne sommes pas sur nos gardes. Quand je prends quelqu'un en photo, je l'encourage à dépasser sa timidité. Cette confrontation me fascine, car je suis également en maillot de bain et que la tension qui en résulte est palpable , tous deux étant aussi nus que vulnérables. La dynamique de ce petit monde est emplie d'interactions humaines, la plupart, quand y regarde de près, n'étant pas très sérieuses au demeurant.
Roberta Sant Anna
Encore une fois, c'est le décalage qui créé l'événement et la façon de prendre les photos les rapprochements inusités. Un superbe reportage in situ, là où vous n'êtes pas prêt de vous rendre. D'où la préciosité du sujet. CQFD !
Jean-Pierre Simard (avec Lens culture)