De Pantin à Aulnay, portrait de la BST 93, par Radical Cinéma

À Aubervilliers, à Pantin, à Aulnay-sous-Bois, tout le monde déteste la BST et personne n'oublie ses crimes. Derrière l'acronyme, il y a la police de proximité façon Sarkozy ; la « Brigade Spécialisée de Terrain ». Par « spécialisée » il faut comprendre habilitée à cogner fort, et par « terrain », les quartiers populaires, la banlieue, là où l'État déploie sans états d’âme le pire de sa violence supposée « légitime », là où s’expérimentent les plus détestables techniques de domination policière avant d’être déployées en centre-ville, par exemple lors des manifestations.

À Aubervilliers on connaît bien la BST et ses pratiques ultra-violentes, le Bondy Blog consacrait en 2014 déjà un article à cette police détestée des habitants. En décembre 2015, une famille est passée à tabac à Pantin ; deux enfants de 15 et 18 ans et leur mère. La scène est filmée par une voisine. Zahra Kraiker, la mère de famille, est furieuse ; « Regardez comment ils frappent. Je sépare mon fils parce qu'ils sont en train de le massacrer. On m'a gazé. On m'a mis au sol. »

Le 30 décembre 2015, quelques jours plus tard, la famille Kraiker organisait une conférence de presse en bas de chez elle, sur le lieu du drame. Nous y étions, le témoignage du plus jeune fils est simplement glaçant.

Le plus beau est cependant à l’image ; pendant qu’il témoigne des violences policières que lui, son frère, son ami et sa mère ont subi, les habitants du quartier viennent se placer silencieusement en arrière plan, pour montrer qu’ils font bloc et qu’ils font face.

Puis plus récemment, jeudi 2 février 2017, c’est à Aulnay-sous-Bois que la BST va se rendre encore coupable de barbarie. Un jeune homme, âgé de 22 ans, est agressé par quatre agents dans la cité des 3000, il est gazé, matraqué, puis son pantalon « semble glisser tout seul » d’après « une source proche de l’enquête » (comprendre ; un flic), puis la matraque d’un des flics « spécialisés » a dû glisser toute seule elle aussi puisque le jeune homme termine à l’hôpital et présente une section du sphincter anal et une lésion du canal anal de dix centimètres de profondeur.

Le samedi 4 février, le parquet de Bobigny ouvre une enquête contre les quatre flics pour « viol en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique ».

Le lendemain, l’enquête est curieusement requalifiée en « violences volontaires en réunion avec arme par personnes dépositaires de l’autorité publique », la mention de viol a disparu. Les militants expérimentés reconnaitront là l’intervention des syndicats de police, dont la capacité à vassaliser l’institution judiciaire n’a rien à envier aux autres formes de totalitarisme. Il aura fallu moins de vingt-quatre heures à la version policière pour parvenir à faire modifier le chef d’inculpation, alors gageons que sans riposte populaire les inculpés seront assez probablement disculpés en bout de course.

Si les violences et humiliations à répétition de la BST doivent nécessairement nous indigner, il faut pourtant se garder d’en tirer les mauvaises conclusions, et par exemple de dénoncer seulement des « bavures ». Pour Mathieu Rigouste, chercheur et auteur entre autres de La domination policière ; « Quand les habitants des quartiers populaires disent "bavure", généralement eux sont bien placés pour avoir conscience du caractère systémique que ça a, et donc généralement, quand on dit "bavure" depuis un quartier, c’est plutôt pour dire que la police s’est encore lâchée. [...] 

Le mot "bavure" nous fait perdre de vue le fait que ce n’est pas du tout accidentel, et que quand on prend les cas, les affaires de personnes mortes entre les mains de la police, mais aussi celles blessées et mutilées, et qu’on va chercher les structures sociales, économiques et politiques qu’il y a derrière, on se rend compte qu’on est bien au contraire face au fonctionnement d’un système de contrôle policier des classes populaires qui nécessite l’emploi d’une violence qui produit dix à quinze morts par an. »

On aurait tort de croire ainsi que le problème est uniquement consubstantiel à la BST et à son odieux créateur (Nicolas Sarkozy), voire qu’il suffirait de la supprimer. La mort d’Adama Traoré, tué par des gendarmes, et les incessantes violences policières survenues en plein jour depuis l’instauration de l’état d’urgence mais non moins présentes dans les quartiers populaires avant cette proclamation, viennent nous prouver simplement le contraire.

Dimanche soir, un des agents a été mis en examen pour viol et les trois autres pour violences volontaires, a annoncé le parquet de Bobigny dans un communiqué de presse. Les quatre sont ressortis avec l'interdiction d'exercer leur métier, mais libres néanmoins. À titre de comparaison, deux frères d'Adama Traoré avaient été placés en détention provisoire pour violences contre la police, sans aucune preuve de leur culpabilité de quoi que ce soit.

Tandis que tous les candidats à la Présidentielle sont lancés dans une course à qui saura le mieux séduire le pouvoir policier, en y allant chacun de ses promesses d'augmentation ou de son discours de légitimation de la police, on peut prévoir sans trop se mouiller qu'aucun d'eux n'osera souffler mot sur les dégâts de sa terrifiante immunité.

APPEL À TÉMOINS

Dans le cadre de l'agression et du viol de Théo, si vous avez des informations permettant d'aider la famille, contactez le comité de soutien par email :  justicepourtheo@gmail.com

Par  Radical Cinema