Les aventures du mal en poche avec Illska

Événement dans l’histoire mondiale : Agnes et Omar se rencontrent par un dimanche matin glacial dans la queue des taxis au centre-ville de Reykjavik. Agnes rencontre aussi Arnor, un néonazi cultivé, pour sa thèse sur l’extrême droite contemporaine. Trois ans, un enfant et une crise de jalousie plus tard, Omar brûle entièrement leur maison et quitte le pays.

L'auteur par Philippe Matsa

L’histoire commence en réalité bien avant, au cours de l’été 1941, quand les Einsatzgruppen, aidés par la population locale, massacrent tous les Juifs de la petite ville lituanienne de Jurbarkas. Deux arrière-grands-pères d’Agnes sont pris dans la tourmente – l’un d’eux tue l’autre – et, trois générations plus tard, Agnes est obsédée par le sujet. Illska parle de l’Holocauste et d’amour, d’Islande et de Lituanie, d’Agnes qui se perd en elle-même, d’Agnes qui ne sait pas qui est le père de son enfant, d’Agnes qui aime Omar qui aime Agnes qui aime Arnor. Dans un jeu vertigineux, Norđdahl interroge le fascisme et ses avatars contemporains avec une étonnante maîtrise de la narration. Illska est un livre surprenant et immense écrit par un homme jeune, mais appelé à devenir un grand, sans doute un très grand écrivain.


La lecture de ce texte déclenche une jubilation aussi intellectuelle que sensuelle, due autant aux fulgurances de la pensée qu'à la maîtrise impeccable de la langue et de la narration. Sa sortie en poche nous le remet en mémoire à l'heure où les zélateurs de la connerie la plus crasse embouchent les trompettes de la renommée à leur seul profit. En uniforme ou en costard médiatisé. Un vrai choc de lecture cool, à portée de toutes les bourses.

Jean-Pierre Simard

Illska -  Eiríkur Örn Norddahl - Points Seuil