La crême de la crême avec les impros d'Illegal Crowns

Il y a certains disques avec lesquels on se sent immédiatement à l'aise. On attendait le dernier Lee Konitz… las, on tombe sur Illegal Crowns et le truc à l'œuvre entre les quatre participants fait que c'est à celui-ci qu'on veut donner une voix ou parler de la sienne en propre.

Alors, on débarque là-dedans en se disant que ce n'est pas n'importe quel espace qui se déploie à nos oreilles esbaudies. C'est un drôle d'endroit qui joue de la réponse à des questions non posées car tellement évidentes dans le jeu qui s'offre à nous.
Mary Halvorson (guitare), Tomas Fujiwara (batterie), Benoît Delbecq (piano, piano préparé), Taylor Ho Bynum (cornet, bugle) jouent en avançant, comme si de rien n'était, sur un tapis qui file de question en réponse, de l'idée qui fuse à sa résolution par un autre, mais à quatre voix bien distinctes tout autant que complémentaires et à se mettre en joue.

Thème qui se profile, soliste chacun mon (dé)tour et rien ne viendra troubler l'entente. A la un, à la deux à la trois ou bien ensemble, jamais hors jeu, mais toujours ne joie, en simplicité et complicité. Ne jamais chercher le lapin dans le chapeau, il est là sous nos yeux à se prélasser, à se délasser, à se transformer, à se déformer pour faire glisser le jeu d'un moment à un autre, d'une suggestion à l'autre/ Tiens, un bugle, puis un cluster. Là, un coup de caisse claire qui rebondit sur des notes de guitare. Et ainsi va Illegal Crowns au fil de ses six titres.

Alors bien sûr, n'attendez pas la partition fastoche que vous avez en tête - elle est absente - , mais suivez les entrelacs, entendez les entrechats. Jazz pas chiant, contemporain qui sait se souvenir du free, de Don Cherry, comme de Cecil Taylor, s'il aimait le piano préparé.

D'eux, le label raconte ceci : Nous tenons terriblement à nos collaborateurs de longue date, engagés au même titre que nous dans ce voyage créatif, et nous trépignons d’impatience à l'idée de rencontrer de nouveaux partenaires qui s’expriment eux aussi avec un vocabulaire musical hybride et volontairement corrompu. Un projet coopératif comme Illegal Crowns célèbre tout ce qui est mentionné ci-dessus. Un groupe à la fois ancien et neuf, une musique accessible et expérimentale, un nom révolutionnaire et royal. Quatre individus et un ensemble évoluant en une harmonie qui n'a pas besoin de résolution. (Taylor Ho Bynum)

Là, bien sûr, il faut aimer se laisser surprendre. Mais le trip vaut carrément le détour. Vous y reviendrez ! Disque du jour

Jean-Pierre Simard

Illegal Crowns (Mary Halvorson (guitare), Tomas Fujiwara (batterie), Benoît Delbecq (piano, piano préparé), Taylor Ho Bynum (cornet, bugle)  - Rogue Art Label