Eno et Rogerson touchent le rivage avec de l'ambient paysagiste
Des fois, l'idée de départ d'un disque tient à très peu de choses. En l'occurence, c'est en faisant la queue devant les toilettes à un concert que Brian Eno et Tom Rogerson ont commencé à évoquer l'idée de rendre hommage à la région qui les a vus tous deux grandir, l'Eastern England (Bedfordshire, Cambridgeshire, Essex, Herdforshire, Norfolk et Suffolk), son calme, sa douceur de vivre, en 13 plages contemplatives et impressionnistes : Finding Shore.
Et si le créateur de l'ambient est internationalement reconnu depuis des lustres (avec les appliques même!), le parcours de Tom Rogerson, chanteur et clavier londonien des Three Trapped Tigers, depuis dix ans est plutôt tourné vers le rock expérimental, le math-rock voire la noise ou l'IDM que le simple emploi d'un clavier dans une perspective ambient. Mais c'est dans cet état d'esprit que les deux ont collaboré sous la férule de Eno, musicien et producteur pour mettre en avant la singularité du jeu de Rogerson avec sa beauté et sa simplicité.
Rogerson s'est attribué toutes les parties jouées au piano et au synthé, pendant qu'Eno a utilisé un logiciel nommé ‘Piano Bar’ qui lui permet de transformer chaque note jouée en signal Midi sur lequel il peut ensuite intervenir. de ces multitudes de sources sonores, les deux ont tiré un album dont chaque titre arbore un son différent. Le duo joue ainsi une partition en cascade sur “Motion in Field,” pendant qu'un piano virtuose s'affiche sur “One-ness,” qu'un son post-electro se développe sur “The Gabbard” et que le synthé de “Chain Home” choisit de bourdonner comme jamais.
Et tout le bonheur de cet album assez avant-gardiste est de varier les climats au plus large, de faire sonner une idée en la développant dans ses moindres aspects. Et apparemment, sans aucun effort. Du grand art, idéal pour faire baisser la pression citadine. Belle surprise, arrivée à bon port.
Jean-Pierre Simard le 11/12/17
Brian Eno & Tom Rogerson - Finding Shore - Dead Oceans
